Kenilworth
dépouilla de son manteau de voyage et de son grand chapeau, qu’elle plaça près d’elle de manière à pouvoir les reprendre avant qu’on fût arrivé au fond de la grotte, si le hasard, amenant Varney ou Lambourne, lui rendait ce déguisement nécessaire.
Le costume qu’elle portait en dessous avait quelque ressemblance avec les habits de théâtre qui auraient pu convenir à une des comédiennes destinées à figurer dans la scène préparée pour la reine. Wayland avait trouvé les moyens de le lui procurer le second jour de leur voyage.
La fontaine servit donc en même temps de miroir et d’aiguière à Amy, qui en profita pour faire à la hâte un peu de toilette : prenant ensuite à la main son petit écrin, en cas que ses bijoux devinssent pour elle des intercesseurs utiles, elle se retira dans le fond de la grotte, s’assit sur un banc de mousse, et attendit que le destin vînt à son secours et lui procurât une protection.
CHAPITRE XXXIV.
« Quand le milan, dans son essor rapide,
« Fond tout-à-coup sur la perdrix timide,
« Avez-vous vu la pauvrette frémir,
« Ne sachant plus ni s’arrêter ni fuir ? »
PRIOR.
Il arriva dans ce jour mémorable qu’une des chasseresses les plus matinales fut la princesse même pour qui tous ces plaisirs étaient destinés, la reine-vierge d’Angleterre. Je ne sais si ce fut par hasard, ou par un effet de la courtoisie que Leicester devait à une souveraine qui lui faisait tant d’honneur, mais à peine Élisabeth avait-elle fait un pas au-delà du seuil de la porte, que le comte parut devant elle, et lui proposa, en attendant que tous les préparatifs de la chasse fussent achevés, de visiter la Plaisance et les jardins du château.
Dans cette promenade, le comte offrit plus d’une fois à sa souveraine l’appui de son bras quand des escaliers, l’ornement favori d’un jardin à cette époque, les conduisaient de terrasse en terrasse et de parterre en parterre. Les dames de la princesse, en personnes respectueuses et discrètes, agissant comme elles eussent voulu qu’on en agît avec elles, ne crurent pas qu’il fût de leur devoir de suivre leur maîtresse de trop près ; elles se contentaient de ne pas la perdre de vue, la laissant libre de s’entretenir en particulier avec un seigneur qui n’était pas seulement son hôte, mais qu’elle honorait d’une place plus distinguée dans son estime, dans sa confiance et dans ses bonnes grâces, qu’aucun de ses autres serviteurs. Elles admiraient les grâces de ce couple illustre, qui portait des habits de chasse presque aussi splendides que le costume de cour de la veille.
Celui d’Élisabeth, d’une étoffe de soie bleue avec des galons d’argent et des aiguillettes, rappelait le vêtement des anciennes amazones ; il faisait ressortir sa taille élégante et la dignité de son maintien, que l’habitude du commandement et sa fierté avaient en quelque sorte rendu trop mâle pour qu’il parût avec tous ses avantages sous les vêtemens ordinaires de son sexe.
Leicester était revêtu d’un habit de drap vert de Lincoln, richement brodé en or, et ceint d’un baudrier éclatant auquel étaient suspendus un cor, et un couteau de chasse au lieu d’épée. Ce costume parait Leicester, comme tous ceux qu’il portait à la cour et dans les cérémonies militaires ; car telle était l’élégance de sa taille et de tout son extérieur que, quelque vêtement qu’il portât, il semblait toujours avoir adopté celui qui lui était le plus avantageux.
La conversation d’Élisabeth avec son favori ne nous est pas parvenue en entier ; mais les yeux et les oreilles des personnes qui vivent à la cour ont reçu de la nature une perfection rare, et celles qui les suivaient prétendirent que, dans aucune occasion, Élisabeth ne parut adoucir plus volontiers sa dignité pour prendre une expression de tendresse et d’indécision. Son pas s’était non seulement ralenti, mais il était inégal, et elle semblait oublier cette fierté qu’on remarquait ordinairement dans sa démarche. Elle tenait les yeux baissés, et paraissait témoigner une intention timide de s’éloigner du comte, mouvement purement machinal, qui indique souvent dans les femmes un sentiment contraire à celui qu’elles manifestent. La duchesse de Rutland, qui osa s’approcher le plus près de la reine, prétendit qu’elle avait distingué une larme dans l’œil d’Élisabeth, et une rougeur soudaine
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