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Kenilworth

Kenilworth

Titel: Kenilworth Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Walter Scott
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n’entendez ni les plaintes de ceux qui vous sont attachés, ni la joie de vos ennemis. Supposons aussi que votre heureux rival voudra bien se contenter, chose au moins fort douteuse, d’ébranler le grand arbre qui lui a si long-temps caché le soleil, au lieu de l’abattre et de le déraciner. Eh bien ! l’ancien favori de la reine d’Angleterre, celui à qui était confié le commandement de ses armées, celui qui gouvernait à son gré les parlemens, est maintenant un gentilhomme campagnard, content de chasser sur ses terres, de boire son ale avec ses voisins, et de faire la revue de ses vassaux au premier ordre du grand sheriff {28} .
    – Varney ! dit le comte en fronçant le sourcil.
    – Vous m’avez ordonné de parler, milord, et il faut que vous me permettiez de terminer mon tableau… Sussex gouverne l’Angleterre ; la santé de la reine chancelle ; il s’agit de régler sa succession ; l’ambition voit s’ouvrir une plus belle route qu’elle n’a jamais pu le désirer ; vous apprenez tout cela à la campagne au coin de votre feu. Vous commencez alors à songer à vos espérances déçues, à la nullité à laquelle vous êtes condamné. Et pourquoi ? pour pouvoir admirer les yeux d’une épouse charmante plus d’une fois par quinzaine.
    – C’en est assez, Varney ; je ne vous ai pas dit que je prendrais avec précipitation, et sans considérer ce qu’exige le bien public, le parti auquel me portait mon goût pour le repos et pour le bonheur privé. Vous serez témoin, Varney, que si je triomphe de mes désirs pour la retraite, ce n’est point par des vues d’ambition ; c’est pour me maintenir dans le poste où je pourrai servir ma patrie au moment du besoin. Maintenant ordonnez nos chevaux. Je prendrai, comme autrefois, un habit de livrée, et mon cheval portera la valise. Tu seras le maître aujourd’hui, Varney ; ne néglige aucune des précautions qui peuvent endormir le soupçon. Nous serons à cheval dans quelques instans ; je ne veux que prendre congé de milady, et je suis prêt. J’impose à mon cœur une cruelle tâche, j’en blesse un qui m’est plus cher que le mien ; mais l’amour de la patrie doit l’emporter sur l’amour conjugal.
    Ayant ainsi parlé d’une voix ferme, mais avec un accent mélancolique, il quitta l’appartement dans lequel il venait de s’habiller.
    – Je suis charmé que tu sois parti, pensa Varney ; car, quelque habitué que je sois aux folies des hommes, je n’aurais pu m’empêcher de rire de la tienne en ta présence. Tu peux te lasser bien vite de ton nouveau joujou, de cette jolie poupée digne fille d’Ève ; peu m’importe. Mais il ne faut pas que tu te lasses si vite de ton ancien hochet, l’ambition ; car, en gravissant la montagne, milord, vous traînez Richard Varney à votre suite ; et, comme il espère profiter de votre élévation, il n’épargnera ni le fouet ni l’éperon pour vous faire arriver le plus haut possible. Quant à vous, ma jolie dame, qui voulez être tout de bon comtesse, je vous conseille de ne pas me gêner dans ma marche, ou nous aurons un ancien compte à régler. Vous serez le maître aujourd’hui, me disait-il : sur ma foi, il pourra se faire qu’il ait parlé plus vrai qu’il ne le pensait. Et ainsi lui, que tant d’hommes doués de bon sens et de jugement regardent comme un politique aussi profond que Burleigh et Walsingham, comme un guerrier aussi habile que Sussex, le voilà qui devient soumis à un de ses serviteurs, et tout cela pour un œil noir, pour une peau nuancée de rouge et de blanc. La belle chute pour l’ambition ! Cependant si les charmes d’une femme peuvent servir d’excuse à l’égarement d’une tête politique, milord avait cette excuse à sa droite dans la charmante soirée d’hier. Eh bien, laissons aller les choses ; il travaillera à ma grandeur, ou je travaillerai à ma félicité ; et quant à cette charmante comtesse, si elle ne parle pas de son entrevue avec Tressilian, et elle n’osera en parler, il faudra qu’elle fasse cause commune avec moi, que nous ayons nos secrets, et que nous nous soutenions mutuellement, en dépit du mépris qu’elle me témoigne. Allons à l’écurie. Je vais ordonner vos chevaux, milord ; le temps viendra peut-être bientôt où mon écuyer ordonnera les miens.
    À ces mots il sortit de l’appartement.
    Cependant le comte était rentré dans la chambre à coucher pour prendre congé à la hâte de

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