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Kommandos de femmes

Kommandos de femmes

Titel: Kommandos de femmes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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sommes mis des chiffons mouillés sur le nez pour nous protéger de la fumée. Un long moment se passe ; ils ont dû partir… Nous ramassons quelques vivres et sortons. Sur la neige, les malades sont allongées, grelottant de froid, de souffrances… le revier a brûlé lui aussi. La doctoresse polonaise qui est restée avec nous regroupe tout le monde au block 13. Plusieurs fois encore, le camp est envahi par des groupes de soldats allemands en retraite ; ne voyant que des malades, ils repartent.
    Mais, vers la fin de l’après-midi… Je suis retournée avec Denise essayer de récupérer quelques affaires dans les ruines du block 11. Nous ramassons des planches… Dehors, tout près, trois coups de feu ; presque en même temps, un S.S., un officier, immense dans son long manteau de cuir gris, entre dans la pièce en hurlant. Il nous voit, hurle encore davantage, nous bouscule et nous pousse hors du block. Trois de nos camarades sont là, étendues dans la neige, mortes, tuées d’une balle dans la tête.
    Le S.S. me tient par un bras, lève son revolver. Je regarde Denise, et Denise regarde le S.S… et Dieu était dans ses yeux, car, devant ce regard que je n’oublierai jamais, le S.S. a baissé son arme, a haussé les épaules et est reparti, nous laissant toutes les deux, debout, devant trois cadavres…
    Nous sommes rentrées au block… Personne n’a beaucoup dormi cette nuit-là. Kœnigsberg brûlait, des flammèches arrivaient jusqu’à nous, la canonnade se rapprochait.
    Le lendemain, nous sommes restées enfermées, sans faire de feu, sans le moindre bruit, pour dissimuler notre présence aux troupes allemandes que nous apercevions sur la route. Nous avons mangé des conserves et des confitures, serrées les unes contre les autres pour nous réchauffer, et la dernière nuit a commencé.
    Le 5 février 1945, vers neuf heures du matin, les premiers soldats de l’Armée rouge sont arrivés. Le capitaine qui les commandait a écrit son nom dans le carnet à couverture jaune où je griffonnais depuis trois jours. C’était en caractères cyrilliques et je n’ai pas compris. Mais j’ai ramené en France le petit carnet xcvii .
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    Dans son carnet, Marie-Claude Vaillant-Couturier note, en date du 23 mars 1945 :
    — Il est arrivé dans la journée, du Petit-Kœnigsberg, des malades dans un état indescriptible. Une de celles qui travaillent aux douches pour les arrivantes a entendu Treite, le médecin-chef S.S. dire : « Qu’est-ce que nous allons faire de toute cette merde ? » et Winkelmann lui a répondu : « Ne t’en fais pas, je m’en charge, elles auront dès ce soir un bon lit bien chaud. » Bien entendu, elles ne sont pas même entrées dans le camp, le camion pour les gaz est venu les chercher devant les douches.

XIV
LEIPZIG-HASAG
    — Je m’étais xcviii résignée à attendre la fin de la guerre au block 13 de Ravensbrück, quand, subitement, fin juillet, les plus valides d’entre nous furent embarquées dans un transport monstre de deux mille femmes. Ce transport était une véritable tour de Babel : Françaises, Belges, Hollandaises, Allemandes, Polonaises, Tchèques, Russes, Ukrainiennes, Hongroises, Grecques, plus un millier de Gitanes. Nous fûmes douchées et dotées d’effets neufs et uniformes : linge rayé, robe de toile d’un gris presque blanc, veste rayée, bas de laine grise et grosses chaussures. Chose remarquable, notre groupe de pestiférées, une fois décrassé, vêtu de neuf et transplanté dans une autre atmosphère, se porta immédiatement à merveille. Après des préparatifs confus et laborieux, ralentis encore par une longue alerte, chose rare à Ravensbrück, dont on profita pour oublier de nous ravitailler, nous nous trouvâmes enfin massées, sur la grande place, en ordre de bataille, la veste pliée sur le bras gauche, le bouton de la robe ouvert de façon réglementaire, à la main, serrées dans un mouchoir, quelques pauvres affaires de toilette autorisées par la fouille, et, cachées sous la robe, divers objets illicites que les camarades nous avaient lancés au dernier moment. Le départ fut un triomphe : les restantes nous acclamaient comme si nous partions pour la gloire. Contre la porte d’entrée, tapie à l’ombre d’une charrette, la Grande Policière observait le défilé. Je regardais de tous mes yeux, souhaitant ne jamais revenir. La sortie fut un éblouissement : après cinq mois et demi d’allées noires et de

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