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Kommandos de femmes

Kommandos de femmes

Titel: Kommandos de femmes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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loin ?
    10 heures : bruits de galoches qui courent : ce sont les colonnes de travail qui rentrent au camp, harcelées par les meisters et les Aufseherinnen. Denise vient tout de suite me donner les nouvelles : il y a une heure, un soldat est arrivé, a dit quelques mots au meister. Hurlements de tous les gardiens ; on leur a fait poser immédiatement leurs pelles et leurs pioches, et en route, à toute allure. Cela s’est passé de la même façon dans les autres groupes de travail. Angoisse et espérance mêlées, nous restons groupées, sans rien dire. Que va-t-il se passer ? Quelle va être la fin de notre kommando ? Notre fin.
    À midi, la soupe est servie, très vite, n’importe comment. On ne sait rien, on imagine tout…
    Nous avons regagné nos blocs et, derrière les fenêtres, nous attendons… Nos camarades russes, moins affaiblies que nous, vont aux nouvelles : pas de doute, ils s’en vont ! Et nous voyons monter en voiture notre Oberaufseherin, toujours drapée dans sa cape noire, accompagnée de son adjudant portant des valises. La voiture démarre, franchit la barrière du camp ; le reste de nos gardiens et gardiennes s’entassent dans un camion et les suit. Sur la route, on voit passer le meister qui nous a si longtemps terrorisées ; il pousse une bicyclette sur laquelle sont ficelés des baluchons, mais il a toujours son brassard. Derrière lui, des femmes, des enfants, quelques hommes, courbant la tête sous les rafales de neige. Notre exode de 40 est vengé.
    La nuit tombe, nous sommes seules. C’est la ruée vers la cuisine ; on distribue du pain, des carottes, des raves crues, tout est dévoré immédiatement.
    Dans les baraques, personne ne dort ; on écoute les bombardements… Il y a des explosions très proches, la centrale électrique saute et nous nous trouvons dans l’obscurité.
    1 er  février : les soldats de la Wehrmacht arrivent ; ils veulent nous emmener, mais, voyant notre état lamentable, ils n’insistent pas et reprennent leur route.
    Il nous faut de la nourriture… Allons chez les S.S. Denise m’entortille les pieds dans de multiples chiffons, et nous voilà parties.
    Pour la première fois, nous entrons dans les casernes habitées jusque-là par les S.S. et les aviateurs. Ils ont dû partir très vite : dans les réfectoires, les tables sont encore servies, les assiettes à moitié pleines – boulettes de viande et petits pois, je m’en souviens. Nous dévorons tout ce que nous trouvons, des légumes crus, des conserves, du pain, de la confiture… Nous enfonçons des portes… Il y a des montagnes d’œufs que nous écrasons… des piles de bocaux d’asperges… des sacs de nouilles…
    Je veux voir le terrain : les hangars sont incendiés, la piste creusée de grands trous, sans doute les bombes qu’ils ont fait sauter avant de partir et qui expliquent les explosions de la nuit. Plus d’avions, sauf les carcasses noircies de ceux qui n’ont pas pu décoller. C’est sinistre,
    2 février : organisation, ravitaillement. On récupère quelques vêtements, des chaussures, des rideaux, pour remplacer nos tenues à croix et nos galoches. Il n’y a plus d’eau dans les blocks ; on va en chercher assez loin. Un broc d’eau de puits, c’est pour boire, un broc d’une eau trouble puisée dans un trou où gisent quelques cadavres de soldats. Bientôt, les deux brocs sont mélangés et nous buvons indifféremment dans l’un ou dans l’autre… Quelle importance cela a-t-il pour nous ?
    La promenade d’hier n’a pas réussi à mes pieds, et ce matin je reste assise sur la paillasse, drapée dans un rideau rouge et blanc qui me fait ressembler à un vieux chinois. On m’a apporté une glace et quand je me suis vue, j’ai fait comme les chats, j’ai retourné la glace pour voir ce qu’il y avait de l’autre côté, incapable de croire que cette tête décharnée, ridée et jaunâtre, ces yeux fixes, c’était moi…
    Denise m’a ramené de la caserne un grand seau de confit d’oie, et je mange, je mange, avec mes doigts, de la viande, de la graisse… Je devais être d’une constitution particulièrement solide à l’époque, car malgré les excès de ces premiers jours, je n’ai jamais eu le moindre malaise.
    La nuit est tombée ; quelqu’un se souvient que c’est aujourd’hui la Chandeleur. Nous allons faire des crêpes. Mes camarades ont trouvé de la farine, des œufs, de la margarine… Nous sommes toutes groupées autour

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