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La 25ème Heure

La 25ème Heure

Titel: La 25ème Heure Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Virgil Gheorghiu
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n’était plus comme la première fois. Maintenant elle était secrétaire au bureau de recrutement des volontaires étrangers. Elle habitait dans le camp. Elle était payée et nourrie. À ses heures libres, elle écrivait. Elle continuait le roman La Vingt-cinquième heure que Traian n’avait pu achever. Elle avait pu sauver dans une valise les quatre premiers chapitres qu’elle considérait comme essentiels.
    Elle ne pensait pas à l’avenir. Son seul projet était de finir le livre. Ce n’était pas à proprement parler un projet d’avenir, mais une manière d’éviter de faire des projets d’avenir. Elle se donnait tout entière à ce travail qu’elle aimait. Elle s’efforçait de retrouver le Style de Traian et de terminer le roman comme il l’aurait fait lui-même.
    De cette façon, à chaque page qu’elle écrivait, elle se sentait près de lui. Elle était à ses côtés et avait l’impression qu’ils écrivaient ensemble. Il lui avait raconté par le menu tout le plan du roman. Elle faisait de son mieux pour le suivre, le plus fidèlement possible.
    – O. K. ! dit M. Lewis après une petite pause. Pourrais-je connaître les raisons de ce refus ?
    – Si vous y tenez à tout prix : à cause de la différence d’âge.
    –  C’est un non-sens !
    Le lieutenant Lewis riait de bon cœur :
    – Je suis votre aîné d’une année, dit-il. J’ai vu vos papiers. Où donc étiez-vous allée chercher cette prétendue différence d’âge ? C’est justement le contraire.
    – Vous vous trompez, dit Nora.
    – Vous plaisantez, dit Mr. Lewis. Quel âge avez-vous ?
    – Parlons d’autre chose, voulez-vous ? dit Nora.
    – Pas avant que vous ne m’ayez dit votre âge.
    – Il n’est pas convenable de demander son âge à une femme. Et surtout d’insister tellement. Mais je peux vous le dite, répondit Nora. J’ai neuf cent soixante-neuf ans. Et n’oubliez pas qu’en matière d’âge les femmes avouent toujours moins qu’elles n’ont en réalité. Au fond, je suis plus vieille que cela.
    –  O. K. Mrs. Mathusalem ! dit Mr. Lewis très amusé.
    Mais Nora West ne souriait pas.
    Lewis crut que Nora allait accepter sa proposition. Mais Nora lui avait répété que son non était catégorique.
    – Ne vous fâchez pas, Mr. Lewis, mais je ne pourrais jamais habiter vingt-quatre heures dans la même maison que vous.
    – Pourquoi ?
    – Je vous l’ai déjà dit : différence d’âge, dit Nora West. Vous êtes un jeune homme sympathique, égoïste et gentil : comme tous les jeunes d’ailleurs. Mais moi je suis une femme d’un autre monde.
    – Je ne comprends pas.
    – C’est pourquoi j’ai refusé de vous fournir des explications, dit Nora. Il est naturel que vous ne compreniez pas. J’ai derrière moi mille ans d’expériences, de renoncements, de tourments, mille ans qui ont fait de moi ce que je suis aujourd’hui. Vous, vous avez le présent et l’avenir. Peut-être l’avenir. J’ajoute " peut-être " non pas que j’aie des doutes, mais parce qu’on ne peut jamais être certain de l’avenir.
    –  Too sophisticated ! dit-il, nerveux.
    – Écoutez-moi, Mr. Lewis ! dit Nora. Après avoir écouté les déclarations d’amour de Pétrarque, Gœthe, Lord Byron, Pouchkine, après avoir entendu Traian Koruga me parler d’amour, après avoir entendu les chansons des troubadours et les avoir vus à genoux devant moi, comme devant une reine, après avoir vu se tuer pour moi des rois et des chevaliers, après avoir parlé d’amour avec Valéry, Rilke, d’Annunzio, Eliot, comment pourrais-je prendre au sérieux cette demande de mariage que vous me jetez au visage en même temps que la fumée de votre cigarette ?
    – Pour demander une femme en mariage, il faut donc être Gœthe, Lord Byron ou Pétrarque ?
    – Non, Mr. Lewis, dit Nora West. Il ne faut même pas être Rilke ou Pouchkine pour demander une femme en mariage. Mais il faut aimer cette femme.
    – Mais nous sommes tout à fait d’accord, dit Mr. Lewis. Qui vous a dit que je ne vous aimais pas ?
    Eleonora West sourit.
    – L’amour est une passion, Mr. Lewis, dit-elle. Vous avez dû l’entendre dire, ou au moins l’avez-vous lu vous-même quelque part.
    – Mais nous sommes de nouveau d’accord, dit-il. L’amour est une passion.
    – Mais vous êtes absolument incapable d’éprouver aucune passion, dit Nora. Et pas seulement vous. Aucun homme de votre Civilisation n’est capable

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