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La 25ème Heure

La 25ème Heure

Titel: La 25ème Heure Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Virgil Gheorghiu
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la morgue de l’hôpital et son père est en prison. Ce n’était vraiment pas le moment.
    – Mais ils n’en savent rien, dit Traian. Ils font des plans d’avenir. Ils ont pour eux leur amour et l’argent rêvé. Ils sont heureux.
    – Ils sont heureux mais en réalité ils devraient pleurer.
    – C’est vrai ! répliqua le procureur, pour nous qui savons toute la vérité, leur joie semble une profanation.
    – Une fois analysée et rapportée à l’ensemble, toute joie humaine est un acte de profanation.
    Le coucou de la pendule sonna une heure. Les trois hommes qui se trouvaient dans la bibliothèque du prêtre Koruga en cette nuit écoutaient l’heure et la pluie.

LIVRE PREMIER

19
     
     
     
    Deux ans plus tard Iorgu Iordan fut remis en liberté. Il allait s’en retourner dans le pays d’où il était arrivé vingt-sept ans auparavant.
    Avant de partir, il passa une dernière fois par Fântâna. Il voulait vendre la maison. En traversant la ruelle du village, le chef du poste de gendarmes vit que les fenêtres de la maison au toit de tuiles rouges dont les volets étaient habituellement fermés, étaient ce jour-là largement ouvertes. Et il y pénétra pour voir ce qui se passait. Iorgu Iordan se trouvait derrière la maison. Il faisait des paquets.
    – On voit bien que vous êtes riche, monsieur Iordan ! dit le gendarme. Ça a dû vous coûter chaud pour sortir de prison si vite.
    Le géant leva les yeux et lui lança un regard.
    – Je ne comprends pas.
    Sa voix était dure.
    – Je demande si vous avez payé gros pour sortir de prison ! dit le gendarme. Vous en aviez pour dix ans.
    Iorgu Iordan lâcha le marteau qu’il tenait à la main. Il tira de la poche de son veston vert un billet qu’il jeta au gendarme. Puis il continua à donner des coups de marteau. Et il dit, appuyant sur chaque mot :
    – Je te donne ça pour que tu saches à qui tu as affaire.
    Dans quelques jours je serai en uniforme de sous-officier S. S. Je suis citoyen allemand et je vais accomplir mon devoir envers ma patrie. Et maintenant tu sais pourquoi on m’a fait sortir de prison. Ce n’était pas ce que tu pensais.
    Le gendarme prit l’ordre de mobilisation de Iorgu Iordan et le lut. Il savait bien que tous les citoyens allemands qui étaient en prison avaient été amnistiés à condition de retourner dans leur pays et de s’enrôler dans l’armée. Il plia le papier et le tendit au géant en souriant.
    – Lis ça aussi, dit Iorgu Iordan. Il sortit un autre papier. C’était une lettre de remerciement. Le géant avait fait don à l’armée allemande de toute sa fortune pour que les Allemands puissent acheter un Panzer. L’ambassadeur du Grand Reich allemand à Bucarest lui avait envoyé en prison une lettre de remerciement. Le gendarme défit le papier, il ne put le lire, car il était écrit en allemand. Mais il admira l’en-tête à aigle et croix gammée et les cachets.
    – Vous vendez la maison ou bien vous la gardez encore ? demanda-t-il.
    – Le Panzer acheté avec mon argent a déjà reçu le baptême du feu, dit Iorgu Iordan sans répondre à sa question. Et je le suivrai bientôt. Je ne suis plus jeune mais le Grand Reich allemand m’accepte tel que je suis !
    Iorgu Iordan plia les papiers et les mit dans sa poche. Puis il reprit le marteau et continua à clouer les caisses pour le voyage. Il ne regardait plus le gendarme. Lorsque ce dernier lui dit au revoir Iorgu Iordan sans lever les yeux bougonna à peine quelques mots dans sa langue à lui.
     
     
     
20
     
     
     
    En sortant de chez Iorgu Iordan le chef de poste de gendarme se dirigea vers l’auberge. On était au mois de mai. Le gendarme marchait en plein milieu de la rue, soucieux de ne pas couvrir ses bottes de poussière. Il aimait que ses bottes brillent comme un miroir. Il aimait aussi les femmes. Et l’eau-de-vie. Quant à l’eau-de-vie, le juif de l’auberge la lui donnait gratuitement. " Si on ne faisait pas de temps en temps une loi nouvelle les gendarmes crèveraient de soif ", pensa-t-il. L’État s’en chargeait d’ailleurs assez bien. En janvier il avait reçu l’ordre d’expédier tous les juifs du village dans des camps de travail. À Fântâna il n’y avait qu’un seul juif : Goldenberg, l’aubergiste. Le gendarme lui avait montré l’ordre reçu. L’ordre était secret et il regretta sitôt après de le lui avoir montré. Puis, réflexion faite, il se dit qu’il avait bien agi. Depuis

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