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La 25ème Heure

La 25ème Heure

Titel: La 25ème Heure Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Virgil Gheorghiu
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larmes et la tête lui tournait.
    – Lis ! dit l’adjudant. Tu dois savoir ce que tu as signé.
    – Je n’ai pas besoin de lire ! répondit Moritz. Je sais que ce n’est pas vrai.
    Il voulut ouvrir la porte. Mais sa main tâtonnait comme dans le noir et n’arrivait pas à trouver la poignée.
    – Reste fumer une cigarette, dit le docteur Abramovici, et il lui tendit son étui.
    Moritz revint sur ses pas. Il prit une cigarette et commença à fumer. Mais il ne se rappelait pas à quel moment le docteur Abramovici lui avait tendu le briquet pour l’allumer. Il fit un effort pour se souvenir. Mais il n’avait devant ses yeux que la flamme du briquet. Une flamme jaune qui dansait et qui s’agrandissait démesurément.
    – Est-ce que tu as des enfants ? demanda le docteur.
    Moritz se réveilla comme d’un songe. Il répondit.
    Mais c’était un autre en lui qui parlait. Ce n’étaient pas ses lèvres qui remuaient. Puis il sortit du bureau sans trop savoir comment. Et il demeura, tout le jour, au bord du canal, sur la terre gelée. Il n’avait pas froid. Mille choses lui passaient par la tête. De temps en temps le papier qu’il venait de signer lui revenait à l’esprit et la colère l’envahissait.
    Le lendemain matin il alla de nouveau voir l’adjudant. Il demanda le papier et le lut. Jusqu’à ce moment il n’avait pas cru. Maintenant il savait que c’était vrai. Suzanna avait divorcé parce qu’elle croyait, elle aussi, qu’il était juif, et qu’elle avait trouvé un autre homme.
    Il ne se fâcha plus quand l’adjudant lui dit qu’il était garçon. Son cœur se serrait, mais il ne se fâcha plus, car il savait que c’était vrai. Il l’avait lu de ses yeux.
     
     
     
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    Le lendemain l’adjudant apparut vêtu de son bel uniforme neuf. Les prisonniers attendirent jusqu’à midi, alignés le long du canal. Mais le général ne vint pas.
    Le troisième jour, l’adjudant remit son uniforme de tous les jours. Il annonça que le général s’était fâché et ne viendrait pas voir le canal.
    Durant une semaine ils ne travaillèrent plus ? Puis le camp de Iohann Moritz se déplaça vers le Nord.
    Jusqu’alors ils avaient creusé dans l’argile jaune et molle. Maintenant le canal devait être creusé dans la pierre.
    L’adjudant partit en camion chercher d’autres outils, car les anciens n’étaient bons que pour creuser dans l’argile. Il fut absent trois jours. Puis il revint avec deux camions remplis d’outils propres à entamer et à casser les blocs de pierre. Le travail était dur. Il faisait froid. Moritz trima tout l’hiver. La nourriture était mauvaise. Les hommes tombaient comme des mouches. Il y en avait de malades. Quelques-uns en mouraient. Moritz ne fut pas malade. Il eut seulement mal à la gorge pendant une semaine. Mais le travail avançait très lentement. En avril ils se trouvaient au même endroit qu’à Noël. Ils n’avaient pu creuser que quelques dizaines de mètres. On disait que cinq mille hommes avaient creusé le canal, cet hiver-là. Le travail allait encore durer tout l’été et ne serait achevé que pour l’automne prochain. En octobre on y ferait arriver l’eau. Mais quelques mois plus tard ils reçurent l’ordre de cesser le travail. L’adjudant leur fit savoir que l’État-Major avait renoncé à ce canal. Le roi Charles II avait été détrôné et s’était enfui. Et en même temps que lui, s’étaient enfuis ou avaient été destitués tous les généraux qui l’avaient aidé à établir les plans de ce canal. Maintenant, au Palais, étaient arrivés d’autres généraux qui prétendaient que le plan du canal dessiné par le roi n’était pas bon. Ils avaient donné l’ordre de cesser tout travail. Les juifs furent embarqués dans des trains et transportés à la frontière ouest de la Roumanie pour élever là-bas des fortifications contre les Hongrois.
    En quittant son chantier, Iohann Moritz regrettait que le roi eût mal dessiné le plan. Tout le travail avait été inutile.
     
     
     
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    Le nouveau camp se trouvait dans une forêt à la frontière de la Roumanie et de la Hongrie. Ils avaient voyagé trois jours et trois nuits en train. En partant ils avaient emporté les outils avec lesquels ils avaient creusé le canal. L’adjudant avait pris tout son bureau, une baraque en bois, et l’avait mis dans le train. Strul avait transporté ses registres. Les prisonniers avaient même gardé

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