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La 25ème Heure

La 25ème Heure

Titel: La 25ème Heure Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Virgil Gheorghiu
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battre très fort. Il se disait que l’ordre de mise en liberté était arrivé. C’est pour cela que l’adjudant le faisait appeler au bureau. Mais il ne posa pas de question à Strul. Il avait de la peine à cacher sa joie. Il se doutait bien qu’il serait mis en liberté dès que le canal serait terminé. Mais le canal n’était pas encore achevé et la bonne nouvelle lui tombait du ciel. L’adjudant portait un uniforme neuf. Le plancher était fraîchement lavé pour l’inspection du général. La table du bureau était couverte de papier bleu, sans une tache, les dossiers rangés en petits tas soignés. Moritz s’arrêta près de la porte. Il salua. Il était impatient d’apprendre la bonne nouvelle. Mais il faisait semblant de ne rien savoir. Il ne voulait pas montrer qu’il était joyeux comme un enfant. Sur une autre chaise, près de l’adjudant, se tenait le docteur Samuel Abramovici. C’était un prisonnier aussi, mais il s’était lié d’amitié avec l’adjudant et restait tout le temps avec lui au bureau. Strul prit place dans un coin, devant la petite table, couverte elle aussi de papier bleu. Tous le fixaient, les yeux grands ouverts. Ils étaient sérieux. Enfin l’adjudant se décida à parler :
    – Moritz, mon garçon, ta femme a divorcé ! Elle n’est plus ta femme.
    Et il continua en frottant sa petite moustache :
    – On nous a envoyé la déclaration de divorce, que tu dois signer, pour prouver que tu en as pris connaissance.
    L’adjudant posa un papier sur le coin de la table, puis tendit à Moritz le porte-plume. Mais Moritz ne bougea pas de la porte.
    – Le divorce a été demandé pour raisons d’ordre ethnique. Elle ne veut plus être la femme d’un juif. L’adjudant ajouta avec un ton de reproche :
    – Tu me racontais des tas de blagues comme quoi tu étais Roumain et chrétien. Tu voulais me rouler, hein ? Tu ne pensais pas avoir affaire à un vieux renard comme moi ! Je n’ai pas fait suivre ta demande, et j’ai eu raison. Ta femme vient de divorcer parce que tu es juif. Et plus que tout autre, elle doit savoir à quoi s’en tenir, hein ?
    L’adjudant se mit à sourire. Mais lorsqu’il regarda Moritz, et le vit se décomposer et devenir blême, son sourire disparut.
    – Toutes les femmes sont comme ça ! dit-il. Dès que tu as été parti, elle a dû en trouver un autre. Toutes les femmes sont des putains. Bah ! il ne faut pas s’en faire…
    Moritz aurait voulu le mettre en pièces. Il ne pouvait l’entendre dire que sa femme était une putain. Il grinçait des dents. La colère bouillonnait en lui. Il aurait voulu se dominer, mais sa gorge se serrait. Il était sur le point d’éclater.
    Il serra ses poings pour s’empêcher de frapper l’adjudant, de frapper tout le monde autour de lui.
    – Ma femme n’est pas une putain, dit-il.
    – Tu dis vrai, répliqua l’adjudant. Tu es un homme dont la femme n’est pas une putain, car tu n’as plus de femme. Tu en as eu une, jusqu’au…
    L’adjudant tira à lui le papier qui se trouvait sur le coin de la table et lut la date de l’en tête :
    – Jusqu’au 30 janvier, continua-t-il. C’est à cette date qu’a été prononcé le divorce, et que tu es redevenu garçon !
    L’adjudant se remit à sourire. Le docteur Abramovici souriait lui aussi, du bout des lèvres.
    – Ma femme n’a pas demandé le divorce ! dit Moritz. Je connais Suzanna.
    – Si tu ne veux pas le croire, ça te regarde, dit l’adjudant. Mais il faut que tu signes ici comme quoi tu as pris connaissance du divorce, et que tu es de nouveau célibataire !
    – Je ne suis pas célibataire, dit Moritz.
    – Bon, tu n’es pas célibataire, mais tu dois signer tout de même comme quoi tu as pris connaissance de l’acte !
    Moritz fixa du regard le stylo que lui tendait l’adjudant et s’écria :
    – Je ne signerai rien du tout !
    L’adjudant se mit en fureur. Ses joues s’empourprèrent. Il s’était rappelé qu’il était militaire et que la réponse de Moritz constituait un acte d’indiscipline.
    – Signe ! ordonna-t-il. Tu oublies où tu te trouves ? Tu perds la tête ?
    Iohann Moritz prit le Stylo et signa. Cette fois-ci c’était un ordre ; il devait obéir.
    Après avoir écrit son nom sur la feuille de papier, en bas, dans le coin à droite, à l’endroit même où l’adjudant avait mis son doigt, il posa le Stylo sur la table et voulut quitter la pièce. Ses yeux étaient pleins de

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