Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La 25ème Heure

La 25ème Heure

Titel: La 25ème Heure Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Virgil Gheorghiu
Vom Netzwerk:
tranchées achevées. Pour presser le travail, ils faisaient venir sans cesse d’autres internés. Il y avait même des bagnards marqués au fer rouge. Ils n’avaient pas assez d’hommes. Et pourtant, un jour on donna l’ordre de départ. Tous les Roumains et les Serbes du camp où se trouvait Moritz furent embarqués dans un train. Moritz avait entendu dire que les Hon grois n’étaient pas contents de la manière dont travaillaient les Roumains et les Serbes, et voulaient les remplacer par d’autres qui pourraient achever le travail plus vite.
    Antim prétendait qu’on les emmenait en Allemagne parce qu’ils avaient été vendus.
    Il y avait d’autres Roumains qui le disaient aussi. Mais la plupart n’en croyaient rien. Moritz pas plus que les autres.
    Un matin Moritz descendit du train pour faire ses besoins. Dans le train il n’y avait pas de waters et ils devaient tous attendre que le convoi s’arrête. Alors, ils s’éparpillaient sur les remblais et faisaient leurs besoins, gardés par les sentinelles.
    Aujourd’hui le train s’était arrêté en plein champ. Il faisait gris. Il pleuvait. Moritz demeura plus longuement sur le champ. Quand il s’approcha du wagon, il vit que sur chaque compartiment il y avait quelque chose d’écrit à la craie. Iohann Moritz s’approcha et lut en allemand : " Les ouvriers hongrois saluent leurs camarades du Grand Reich allemand ! " Et sur le deuxième wagon : " Les ouvriers hongrois travaillent pour la victoire de l’Axe. " Iohann Moritz appela Antim et lui montra les inscriptions.
    – Maintenant tu crois enfin que les Hongrois nous ont vendus aux Allemands ?
    – Je ne crois pas, dit Moritz. On ne peut croire une chose pareille !
    – Attends et tu vas te convaincre !
    Moritz attendit.
    Le train demeura dans la campagne jusqu’au soir. Au coucher du soleil, les sentinelles se répandirent dans les champs et cueillirent des fleurs. Moritz n’avait jamais vu des soldats, baïonnette au canon, cueillir des fleurs sous le commandement d’un officier. L’officier aussi cueillait des fleurs. Puis ils revinrent tous, des bouquets à la main et ornèrent chaque wagon de feuilles vertes, d’herbe, de guirlandes et de branches comme pour une noce. Il faisait sombre. Le train se mit en marche. Moritz aurait voulu demeurer éveillé pour voir ce qui allait arriver, mais il s’endormit. Lorsqu’il se réveilla il faisait déjà jour. Les portes des wagons étaient fermées. Dehors il y avait du bruit. Le train était arrêté dans une gare. Jusqu’alors le train ne s’arrêtait qu’en plein champ, ou, tout au plus un peu avant l’entrée des villes. Sous les fenêtres, on entendait des bruits de voix et de locomotives. Moritz tendit l’oreille et écouta quelqu’un qui passait justement devant le wagon en parlant fort.
    – Il parle l’allemand, dit Iohann Moritz et il se rendit compte que l’étudiant Antim n’avait pas menti. Ils avaient été vendus aux Allemands. " Peut-être les Allemands ont-ils vraiment donné pour m’avoir une caisse de cartouches aux Hongrois, une caisse pour les os, la chair, la peau, enfin pour moi tout entier. "
    –  Nous avons tous été vendus comme esclaves pour la vie, dit l’étudiant Antim.
    Il venait d’apprendre à l’instant même qu’ils se trouvaient en territoire allemand. Antim se mit debout et fit un discours. Tous l’écoutaient. Iohann Moritz, lui, ne l’écoutait pas. Sa pensée était restée accrochée à ces mots : " Esclave pour la vie. " Iohann Moritz se voyait déjà restant toute sa vie dans les camps de concentration, creusant des canaux, des tranchées, affamé, battu, dévoré par les poux.
    Puis il se voyait crevant dans un camp. En pensant qu’il pouvait mourir dans un camp, ses yeux se remplirent de larmes. Il avait vu mourir beaucoup de prisonniers. Il avait même creusé leurs tombes. Après leur mort on leur enlevait leurs vêtements et on les enterrait tout nus. " Comme des chiens ", pensa Moritz. " Aux chiens on prend la peau avant de les enterrer pour en faire des gants. Aux prisonniers on prend les habits. Peut-être au moment où je mourrai moi, aura-t-on déjà pris l’habitude d’écorcher les hommes aussi. " Morit2 se mit brusquement debout. " Ils peuvent me garder toute la vie dans les camps, se dit-il. Mais avant de mourir je voudrais qu’ils me relâchent. Au moins une heure avant de rendre l’âme, je voudrais qu’ils me mettent en Liberté, pour ne pas

Weitere Kostenlose Bücher