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La 25ème Heure

La 25ème Heure

Titel: La 25ème Heure Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Virgil Gheorghiu
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des céderions-nous pas à l’Allemagne ?
    – Je m’oppose à cette solution, répliqua le ministre des Affaires étrangères. Elle ne ferait que compliquer la situation. Elle est contraire aux lois internationales concernant les prisonniers et les internés politiques. Nous avons besoin de la sympathie des pays étrangers. En adoptant cette solution, l’honneur de la Couronne de Saint-Etienne serait gravement atteint. Le seul résultat serait de nous créer de nouveaux ennemis.
    Au bout d’une demi-heure, un compromis fut enfin trouvé. Les ministres décidèrent d’envoyer en Allemagne cinquante mille ouvriers non hongrois choisis parmi ceux dont la nationalité n’était pas bien définie. Le ministre de l’Intérieur prit l’engagement de trier de telle manière les ouvriers, qu’aucun ne puisse apporter la preuve certaine d’appartenir à une autre nation.
    – Et nous sauvons ainsi le sang hongrois, dit le ministre de l’Intérieur. L’histoire ne pourra jamais nous accuser d’avoir envoyé des Hongrois en captivité. Notre but est tellement noble, que l’histoire excusera les moyens employés.
     
     
     
69
     
     
     
    Le comte Bartholy, le chef de la presse hongroise, entra dans son bureau et appela sa secrétaire. Il voulait lui dicter le communiqué officiel contenant les décisions prises par le gouvernement en séance secrète.
    " Un homme dont on ne respecte ni l’honneur ni la dignité est un esclave ! " se dit en lui-même le comte Bartholy. " Aujourd’hui, celui qui veut vivre dignement se condamne lui-même au suicide. Notre société interdit la dignité et l’honneur personnel, c’est-à-dire toute la vie d’homme libre. Elle ne permet qu’une vie d’esclave. Mais cela ne saurait durer. Une société dans laquelle tous les hommes – depuis le ministre jusqu’au domestique – sont des esclaves doit s’effondrer. Et le plus vite serait le mieux.
    – Vous avez dit quelque chose, monsieur le Ministre ? demanda la secrétaire entrant dans le bureau.
    – Non, dit-il. Écrivez, s’il vous plaît. Communiqué officiel : Le Conseil des ministres en séance privée a pris la décision de faciliter l’obtention des visas et des conditions de voyage aux ouvriers hongrois désireux de partir en Allemagne pour se spécialiser dans les différentes branches de l’industrie technique. Le nombre d’ouvriers auxquels le gouvernement facilitera les conditions du voyage a été provisoirement limité à cinquante mille. C’est tout. Communiquez-le immédia te ment aux journaux, ordonna le comte Bartholy, et qu’il soit publié en première page.
     
     
     
70
     
     
     
    Le comte Bartholy dîna le soir même au restaurant avec son fils qui était aussi son chef de cabinet.
    Au café, le comte demanda à son fils :
    – Que penses-tu de cette question d’ouvriers envoyés en Allemagne ?
    – Un véritable K. O. sur le ring politique ! répondit Lucian. Le procédé a été magistral. Au lieu d’ouvriers hongrois nous envoyons aux Allemands des étrangers récoltés dans les prisons et les camps de concentration. L’arrogance allemande mérite bien cette leçon. C’est une idée de génie.
    – Sais-tu qu’en échange nous recevons certains avantages de la part des Allemands ? demanda le comte. Ou, pour m’exprimer plus clairement : sais-tu que nous sommes payés pour livrer ces cinquante mille hommes ?
    – Cela va de soi, dit Lucian. Nous n’allons quand même pas donner aux Allemands de la main-d’œuvre sans rien en retour.
    – Et tu ne te sens pas offensé en sachant que ton père a participé aujourd’hui à la vente d’êtres humains ? Ce genre de commerce est la dernière marche sur l’échelle de la déchéance morale.
    – Comme tu es drôle, dit Lucian. Voilà donc pourquoi tu es si sombre ce soir…
    – Ne cherche pas à t’esquiver ! répliqua le comte.
    Reconnais-tu, oui ou non, que j’ai pris part à un trafic d’esclaves ?
    – Si tu tiens à poser le problème ainsi, alors, oui, tu as pris part à un trafic d’esclaves, dit Lucian en souriant.
    – Et cela ne te dérange pas ?
    – Ce serait absurde, dit Lucian. D’ailleurs je crois que le motif de ta mauvaise humeur doit être cherché autre part. Cela ne saurait être un motif de souci, même passager. Nous avons été forcés d’envoyer des ouvriers en Allemagne. Si nous n’avions pas trouvé ce procédé, nous aurions été forcés d’envoyer des Hongrois. Et

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