La 25ème Heure
identifient immédiatement. Ils sont légèrement plus soyeux que les cheveux des principaux groupes germaniques, mais il est visible que la racine est la même. Le nez, le front, les yeux, le menton de ce jeune homme se trouvent dessinés dans nos estampes d’il y a quatre siècles. Aucun changement n’est intervenu entre-temps !
Les officiers touchèrent la tête de Moritz et palpèrent ses cheveux. Ils le regardaient avec admiration.
Moritz sentait tous les yeux braqués sur lui. Jamais encore il n’avait été contemplé ainsi. Il était un héros. Mais il avait peur de décevoir les officiers. Il regrettait de n’avoir rien fait pour mériter leurs louanges – louanges qui n’étaient prodiguées, il le savait bien, qu’à ceux qui étaient décorés de la Croix de Fer avec brillants et feuilles de chêne.
Les doigts du colonel Müller palpèrent de nouveau les épaules de Iohann Moritz avec admiration et dévotion, tout comme s’il avait touché les reliques de sainte Paraschiva la Miraculeuse de l’église des Trois Hiérarques.
Iohann Moritz baissa les yeux, tout honteux de n’avoir pas été combattre sur le front de l’Est, et de n’avoir accompli aucun acte de bravoure.
– Ce groupe que nous avons appelé la " Famille héroïque ", dit le colonel, offre le plus grand exemple d’héroïsme racial. Ce jour est pour moi une véritable fête, car il m’a enfin été donné de découvrir un pareil exemplaire. Je vous dirai en passant, qu’un de mes ancêtres avait épousé une jeune fille de la " Famille héroïque ". Malheureusement ils n’ont pas eu d’héritiers car il est mort à la guerre, trois mois après son mariage mais c’est un épisode secondaire. Je voudrais que la photo de ce jeune homme, accompagnée de données anthropométriques et historiques, figure dans l’ouvrage que je suis en train de préparer et auquel je travaille déjà depuis dix ans sous les directives du Reichsfürhrer D r Rosenberg. Il constituera le couronnement de mon travail.
– Veuillez recevoir nos félicitations, dirent les officiers en se mettant au garde-à-vous.
Le colonel était tout rouge d’émotion. Il leva le bras droit pour saluer puis il serra la main de chacun.
Moritz demeurait immobile et le regardait.
– Tu es du Rheinland, du Luxembourg ou de Transylvanie ? demanda le colonel.
– De Transylvanie, répondit Iohann Moritz.
Les officiers poussèrent des cris d’admiration. Le colonel Müller rayonnait de bonheur.
– Je vous préciserai le domicile exact de ce jeune homme, dit le colonel Müller.
Et, s’adressant à Moritz :
– Es-tu né à Timisoara, à Brasov, ou au pays des Szeklers ?
– Au pays des Szeklers, répondit Moritz.
– Admirable ! dit le colonel.
Il se frottait les mains joyeusement. – Il était impossible que je me trompe. Au moment où il a ouvert la porte, j’ai eu l’impression de voir descendre parmi nous un personnage de la galerie de portraits de la "Famille héroïque". Je connais par cœur ers portraits de famille. Vous aussi vous pourrez les admirer dans mon livre. Il y aura des planches en cou leur.. Je vous le dis, messieurs, ce jeune homme est un exemplaire parfait de la " Famille héroïque ". Il confirme toute ma théorie.
Le colonel demanda au fonctionnaire d’apporter la fiche de Moritz.
– Les misérables ! s’écria le colonel furieux en lisant la fiche. Un membre de la " Famille héroïque " n’a jamais porté le nom de Ianos. Ce nom est un sacrilège ! Le colonel se tourna vers Moritz. Son front était rembruni.
– C’est ton père qui t’a donné le nom de Ianos ? demanda le colonel.
– Non, mon colonel. Je ne m’appelle pas Ianos, dit Iohann Moritz.
Il voulait leur dire qu’il s’appelait Ion. – Il était exclu qu’un membre de la " Famille héroïque " baptisât ses enfants d’autres noms que ceux du calendrier allemand. Cela n’est jamais arrivé depuis quatre cents ans. Il était impossible que ce jeune homme s’appelle Ianos.
Le colonel regarda de nouveau Moritz. Cette fois il était content. Il se réjouissait que Moritz ne s’appelât pas Ianos.
– Qui t’a donné ce nom de Ianos ?
Je ne sais pas, dit Iohann Moritz. En arrivant en Allemagne il y a deux ans ils l’ont inscrit dans mes papiers.
– Il ne s’appelle pas Ianos ! dit le colonel. La " Famille héroïque " a eu mille et mille fois à subir pareille infamie. Les peuples au milieu desquels ils ont vécu leur
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