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La Bataille

La Bataille

Titel: La Bataille Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Rambaud
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lieutenant.
    — Ça réchauffe le cœur !
    — Oui mon lieutenant, répétait le voltigeur Paradis
pour ne pas contredire ses bienfaiteurs qui l’éloignaient du front, mais ce
cérémonial affecté l’irritait.
    On avait moins d’égard pour la piétaille, toujours dans la
bouillasse, toujours courbée sous les armes, les jambes et le dos rompus, qui
dormait par terre même sous la pluie, qui se chamaillait pour avoir une place
chaude pas trop loin du feu des bivouacs.
    Lejeune arriva, les mains dans le dos, l’air maussade. Cela
ne présageait rien d’agréable. Il prit Paradis par l’épaule, avec trop
d’affection, et le poussa à l’écart vers les berges. Soudain Lejeune sauta en
arrière, il venait de marcher sur un serpent qui se faufilait entre les touffes
d’herbe.
    — Ayez pas d’crainte, dit Paradis en souriant, c’est
une couleuvre à collier, ça mange que les grenouilles et les tritons.
    — Tu en sais des choses.
    — Vous aussi, mon colonel, mais c’est pas les mêmes.
    — Tu m’as été utile.
    — Je dis c’que j’sais, voilà tout.
    — Écoute…
    — Vous avez l’air ennuyé.
    — Je le suis.
    — Oh allez, j’ai compris, va !
    — Qu’est-ce que tu as compris ?
    — Vous n’avez plus besoin de moi.
    — Si…
    — Ben alors ?
    — Les Autrichiens vont attaquer, puisque l’Empereur le
croit. Tu seras désormais plus utile dans ta division.
    — C’est bien ce que j’avais compris, mon colonel.
    — Ce n’est pas moi qui décide.
    — Je sais. Personne décide.
    — Prends tes affaires…
    Le voltigeur retourna vers le campement des officiers, se
harnacha, vérifia ses armes, ses cartouches et partit vers le petit pont qui
reliait la rive gauche sans se retourner. Lejeune aurait voulu lui crier qu’il
n’y était pour rien, mais ce n’était pas tout à fait vrai, alors il se tut,
désolé, comme s’il avait trahi la confiance d’un brave garçon. Pourtant, ici
comme dans les fourrés d’Aspern où Paradis allait regagner la division Molitor,
ils risquaient tous leur peau.
     
    — Ah ! Ils bougent ! Enfin ! Qu’on en
finisse !
    À la fois inquiet et satisfait, avec cette excitation qui
devance les combats avant que le sang coule, Berthier prêta sa lorgnette à
Lejeune pour s’assurer qu’il n’avait pas la berlue. Ils étaient au sommet du
clocher d’Essling d’où ils découvraient la plaine entière. Lejeune ne put que
constater : l’armée autrichienne descendait la plaine au pas, sur une
ligne en arc de cercle.
    — Prévenez immédiatement Sa Majesté !
    Lejeune dégringola l’escalier de bois qui tournait en
colimaçon, manqua s’assommer contre une poutre et se prendre les pieds dans ses
éperons, traversa l’église en courant, passa le portail grand ouvert et trouva
l’Empereur sur la place, dans un fauteuil, les coudes sur une table où il avait
étalé une carte précise de la région qui en indiquait le moindre relief, et
presque les sentiers que cachaient des blés trop hauts.
    — Sire ! cria Lejeune, les Autrichiens
avancent !
    — Quelle heure ?
    — Midi.
    — Où sont-ils ?
    — Sur les collines.
    — Bravo ! Ils ne seront pas là avant une heure.
    L’Empereur se leva en se frottant les mains et, de bonne
humeur, réclama sa soupe aux macaronis qu’une cantine ambulante avait prévue.
Des marmitons activèrent le feu des braseros pour réchauffer le bouillon, y
jetèrent les pâtes déjà cuites, asticotés par l’Empereur parce que ce n’était
pas prêt. Berthier vint à son tour confirmer la nouvelle.
    — Tout est en place ? demanda Napoléon.
    — Oui, Sire.
    Alors il avala sa soupe à la cuiller, jura parce qu’elle
était brûlante, s’en versa sur le menton, réclama en hurlant le parmesan qu’on
avait oublié et ferma à demi les yeux pour mieux savourer, non le plat mais ses
pensées. Autour, les officiers le regardaient manger, si tranquille soudain, et
le sang-froid de leur maître leur redonnait confiance, même s’ils avaient la
gorge nouée avant d’entrer en scène. Ils avaient reçu des ordres clairs, à eux
de les exécuter à la lettre puisque tout semblait prévu, même la victoire.
L’Empereur connaissait l’habileté stratégique de l’archiduc Charles, ses
talents d’organisateur, ses hésitations aussi dont il saurait profiter. Sur un
geste, Berthier versa un verre de chambertin, lorsque Périgord déboucha sur la
place, exténué, sauta de son cheval

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