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La Bataillon de la Croix-Rousse

Titel: La Bataillon de la Croix-Rousse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louis Noir
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  ; aussi ne manifestaient-elles point des dispositions sympathiques pour l’Auvergnate.
    Quant aux jeunes polissons qui avaient la marque des semelles de M me  Adolphe sur leurs fonds de culottes, ils tournaient autour d’elle comme de jeunes renards prêts à mordre une vieille poule.
    Aussi y eut-il un long cri de joie quand le bedeau Ravajot, montrant l’Auvergnate, s’écria   :
    – Allons, mes enfants, la fessée à cette vieille frénétique   : pour protéger comme elle l’a fait sœur Adrienne, il faut qu’elle soit protestante ou jacobine.
    Des cris de joie retentirent et les femmes, toutes ensemble, se ruèrent sur cette malheureuse M me  Adolphe qui, la tête encore endolorie du coup reçu, ne pouvait rassembler ses idées.
    En un clin d’œil, elle fut battue, tannée sous les coups de petits bancs qu’on lui administra, mise presque à nu et fouettée avec la fureur que mettent les mégères dans ces cruelles exécutions.
    Puis, quand elle fut demi-morte, le bedeau, monté sur le banc, contempla son ennemie vaincue que cent mains clouaient sur le banc d’exécution, et il cria   :
    – Au baquet, maintenant   !
    – Quel baquet   ? demandèrent les femmes.
    – Venez   ! dit-il. Apportez-la   !
    Il les conduisit au réservoir qui, sur cette hauteur, recevait les eaux pluviales et formait citerne pour les besoins de l’Église.
    – Allez   ! fit-il. Baptisez-la   ! Elle en a besoin   !
    La pauvre M me  Adolphe n’était plus qu’une loque, une plaie   : elle se débattait en vain, ayant perdu beaucoup de ses forces.
    On la jeta dans la citerne, qui avait plus de trois mètres de creux   : elle y disparut…
    Nul doute qu’elle ne s’y fût noyée si le capitaine Pierre, qui la vénérait comme sa tante naturelle, prévenu enfin de ce qui se passait par un enfant de chœur auvergnat, ne fût accouru.
    Sans le patriotisme de clocher de ce petit rat d’église, fils d’un porteur d’eau de Fourvière et qui ne voulut pas laisser noyer une compatriote, c’en était fait de M me  Adolphe.
    Après avoir dispersé la foule, le capitaine arriva juste à temps pour repêcher, par un lambeau de jupes, celle qu’il aimait et châtiait au besoin avec tant de déférence   ; il lui sauva littéralement la vie.
    Le bedeau, à demi-satisfait de sa vengeance, regretta pourtant cette intervention qui empêchait M me  Adolphe de périr immédiatement au fond du réservoir   ; mais il se consola en pensant qu’elle en « crèverait » peut-être d’une fluxion de poitrine probable.
    Il disparut à la vue du capitaine Pierre.
    Celui-ci fit porter M me  Adolphe chez la mère de l’enfant de chœur auvergnat   ; il recommanda qu’on la mît au lit et que l’on pansât ses plaies.
    Ce soin pieux rempli, il revint à son poste.
    Mais déjà des prêtres nombreux étaient accourus.
    Déjà un organiste s’était trouvé, ou plutôt retrouvé, qui faisait retentir les voûtes des notes funèbres du Dies Irae.
    Déjà la messe des morts était commencée.
    La prisonnière, recouverte d’un suaire, avait été traînée au milieu du chœur et forcée de se mettre à genoux. Autour d’elle, sa supérieure et les autres sœurs envoyées par Roubiès et en costume religieux faisaient mine de prier pour elle   ; l’abbé Roubiès les avait, en toute hâte, expédiées à Fourvière.
    Un archidiacre, flanqué de deux prêtres, officiait avec pompe, protégeant l’agonie de la malheureuse fille.
    Près d’elle, on avait apporté le cercueil traditionnel tendu de noir.
    Elle allait y être couchée vivante.
    Sœur Adrienne tombée, selon l’expression de la Bible, dans l’abîme du désespoir, n’avait plus ni force, ni volonté.
    Elle était anéantie.
    Il est probable qu’une de ses crises l’avait saisie et qu’elle était anesthésiée.
    Lorsque l’un des prêtres présents à cette infâme cérémonie en rendit compte à l’abbé Roubiès, il lui déclara que la victime n’avait pas prononcé une parole, pas fait un mouvement depuis la mise au cercueil.
    Quand les ouvriers eurent terminé leur besogne, quand le cercueil fut placé dans la niche destinée à le recevoir, les prêtres chantèrent une dernière antienne, tirée du De Profondis, puis ils se retirèrent en silence, laissant l’ombre tomber sur leur victime à mesure qu’ils s’éloignaient avec leurs cierges fumeux.

Infamie   ! Infamie   !
    Pendant que les prêtres assouvissaient leurs rancunes

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