La Bataillon de la Croix-Rousse
Kellermann, nous l’avons vu, que pour pouvoir donner aux assiégés l’avertissement du canon.
Après deux tentatives de conciliation, celle du 8 par Saint-Giles, celle du 9 par la lettre de Kellermann, tentatives précédées d’autres sommations avant l’arrivée de l’armée, il semblerait que Dubois-Crancé eût dû se montrer découragé ; il semblerait que la patience de la Convention eût dû être lassée.
Non !
Dubois-Crancé fit une troisième tentative. Et cet esprit de, conciliation, l’histoire l’a mis en lumière.
Loin de pousser Lyon à bout, il le ménagea après lui avoir fait sentir la puissance de l’armée.
Louis Blanc fait ressortir cette grande vérité.
« Il n’y a lieu de s’étonner, dit l’illustre historien, ni de l’extrême mollesse des assiégeants pendant la majeure partie du mois d’août, ni de l’obstination aveugle des assiégés. »
Dubois-Crancé savait en effet, comme ses nombreuses proclamations le prouvent, de quels artifices la masse des Lyonnais était dupe. Il aurait donc voulu échapper, en les éclairant, à l’affreuse nécessité d’une guerre d’extermination, et ce sentiment on le retrouve dans une lettre du 28 août, écrite par Couthon, Carnot, Robespierre, Barrère et Saint-Just aux deux représentants Dubois-Crancé et Gauthier, pour leur recommander d’épargner les Lyonnais s’ils se soumettaient.
Mais à leur tour, les fauteurs de la révolte savaient fort bien – et les manifestes de Dubois-Crancé ne le leur laissaient pas ignorer, qu’entre eux, les séducteurs et la population séduite, la Convention nationale faisait une grande différence et qu’ils n’avaient point, eux, de quartier à attendre. Il leur fallait donc à tout prix écarter jusqu’à l’idée d’une soumission qui les eût mis au pied de l’échafaud. On juge s’ils y épargnèrent leurs soins, et la lettre attribuée à Danton indique assez la nature des moyens qu’ils mirent en usage.
Cette lettre fausse et beaucoup d’autres du même genre étaient l’œuvre de cet ex-notaire forçat, envoyé de Toulon à Roubiès et qui avait déjà fabriqué, – nous l’avons vu, tant d’autres faux.
Voulant donner une idée des manœuvres employées à Lyon, continue l’historien, Barrère vint lire, à la tribune, cette lettre qui trahissait avec tant de naïveté la main d’un faussaire. Danton se contenta de dire, avec mépris, qu’il était plus malin que les auteurs de cette pièce ; qu’il n’avait point de correspondance, et que, s’il lui était arrivé d’écrire, il aurait conseillé des mesures non moins rigoureuses, mais plus politiques.
On voit quels moyens le machiavélisme jésuitique de Roubiès lui suggérait pour surexciter l’opinion publique et pousser au paroxysme les défiances, les colères et l’aveuglement du peuple pour l’amener à s’acharner dans la révolte, à soutenir les meneurs royalistes, à ne point les livrer aux républicains pour sauver la ville.
Et, comme le dit Louis Blanc, tout favorisait cette politique égoïste, qui poussait Roubiès à sacrifier Lyon pour sauver et lui-même et ses complices.
– Malheureusement, continua Louis Blanc, quand le siège eut commencé, tout encourageait les Lyonnais à la résistance, Carteaux n’avait pas encore pris Marseille ; Bordeaux n’avait pas encore demandé grâce ; l’incendie allumé en Vendée, loin de s’éteindre, s’étendait, et Paris, de plus en plus enveloppé par l’Europe, semblait au moment d’être fait prisonnier. Qui jamais eût pu croire la Convention capable de vaincre à ce point la mort ? Les Lyonnais, d’ailleurs, n’avaient devant eux, dans les premiers jours du mois d’août, qu’une armée de huit mille hommes avec un petit train d’artillerie. Qu’était-ce que cela ? Le triple de ces forces eût été nécessaire contre une ville en état de fournir au-delà de vingt-mille combattants, et qui, bâtie au confluent de la Saône et du Rhône, dominée au nord entre les deux rivières par les hauteurs de la Croix-Rousse, à l’ouest, sur la droite de la Saône, par les collines de Fourvière et de Sainte-Foy, n’avait besoin pour se défendre, que d’une bonne artillerie et de quelques redoutes. Or, d’après les relations royalistes, elles-mêmes, Schmith pourvut à ce qu’un nombre considérable de canons protégeât la cité et le Lyonnais Agnel de Chenelettes, ancien officier d’artillerie,
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