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La Bataillon de la Croix-Rousse

Titel: La Bataillon de la Croix-Rousse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louis Noir
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empêché. Ensuite l’abbé se retrancha derrière une formalité légale.
    – Le décret n’a pas été promulgué, souffla-t-il à l’oreille de M. Leroyer, il ne devient exécutoire qu’après avoir été annoncé par cri public et affiché.
    Et M. Leroyer, docile, présenta encore cette objection. Sautemouche ne pouvait guère la discuter. M. Leroyer avait le droit pour lui   : aussi Sautemouche murmurait-il entre ses dents   :
    – Cette vieille canaille de bourgeois a donc fait ses études pour être avocat, il connaît la loi.
    Mais Sautemouche menaça d’enfoncer la porte.
    – Faites, s’écria alors Étienne, montrant sa coiffure d’officier de la garde nationale par le guichet. Faites, citoyen Sautemouche. Vous violez la déclaration solennelle des Droits de l’Homme   : le domicile d’un citoyen est inviolable   !
    – Excepté quand un décret y autorise l’autorité, riposta Sautemouche.
    Et il ordonna à deux de ses hommes armés de haches, de briser la porte.
    En ce moment, maître Jean venait dire à l’abbé   :
    – Tout est prêt   ! Allez vous cacher dans le petit caveau avec les autres   ! Moi, je vais ouvrir la porte.
    À Étienne   :
    – Conduisez monsieur l’abbé dans le caveau et emmenez-y monsieur votre père.
    – Me cacher   ! fit l’abbé avec répugnance.
    – Oui   ! oui   ! pour quelques instants seulement. Nous le tenons.
    – En êtes-vous sûr, Jean   ?
    – Monsieur l’abbé, madame la baronne est un ange   ! Non   ! C’est un diable   ! vous verrez   !
    Et il poussa doucement l’abbé qui suivit Étienne et M. Leroyer, enchanté de se fourrer dans le caveau.
    Quand ils eurent disparu, Jean cria par le guichet, d’une voix de stentor   :
    – Arrêtez   !
    Sautemouche aimait mieux, après tout, ne pas enfoncer la porte, ce qui faisait du bruit et demandait du temps   : il fit poser les haches.
    – Dépêchez-vous, dit-il, gonflant sa voix à son tour pour ne pas être en reste avec Jean. Dépêchez-vous, sinon…
    Et il ajouta   :
    – Vous êtes en état de rébellion   ! prenez garde à vous   !
    – M. Sautemouche, dit Jean, adoucissant le ton, ne vous fâchez pas   ! On n’aime pas à être réveillé la nuit. J’ai obtenu de monsieur qu’il vous laissât faire votre perquisition et qu’il payât l’emprunt forcé. On vous recevra au salon, messieurs   ! Tout s’arrangera, messieurs   ! Je vous assure que madame Leroyer est la meilleure femme du monde et vous serez les bienvenus, messieurs.
    Sautemouche riait dans sa barbe et pensait à part lui   :
    – Ces gens-là crèvent de peur   ! Nous allons nous amuser.
    Il connaissait de vue madame Leroyer, qui passait en calèche dans Lyon, hautaine et montrant d’autant plus de morgue que sa mésalliance lui pesait. Elle semblait vouloir rappeler à tout le monde qu’elle était une d’Étioles, et elle prenait ses plus grands airs de princesse. Intimider cette orgueilleuse patricienne, se faire prier par elle, cela séduisait Sautemouche et chatouillait agréablement son amour-propre.
    Le malheur de la démocratie, c’est, dans les heures de crise, de laisser arriver au pouvoir des hommes grossiers et brutaux, dévorés d’envie, qui compromettent la cause du peuple et assouvissent leur rancune sous couleur de politique. À Lyon comme ailleurs, l’immense masse ouvrière était animée des plus généreuses intentions   ; mais des farceurs sinistres comme Sautemouche devaient attirer sur les Jacobins les jugements sévères de l’histoire. Louis Blanc, lui-même si favorable aux Jacobins, a stigmatisé leurs excès à Lyon.
    Ce Sautemouche n’était pas précisément un méchant homme   : c’était un de ces singuliers personnages qui tiennent à faire peur, à poser pour des hommes terribles. En temps de révolution, ces types bizarres de croquemitaines politiques, finissent par se prendre au sérieux   : leur rôle les entraîne dans des réalités sanglantes et ils commettent des atrocités excentriques pour se faire prendre au sérieux.
    Quand la porte s’ouvrit, Sautemouche aperçut Jean. Il prit devant le domestique une attitude tragique, ne dédaignant pas de faire trembler un laquais, et il dit d’un ton théâtral   :
    – Arrêtez cet homme   !
    Jean ne fit pas mine de résister, mais il dit   :
    – Si vous m’arrêtez, qui vous montrera la maison.
    Cette réflexion frappa les hommes de Sautemouche et surtout la Ficelle,

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