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La Bataillon de la Croix-Rousse

Titel: La Bataillon de la Croix-Rousse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louis Noir
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est déjà presque déshonoré aux yeux des siens mais enfin ses fils sont nobles et ils héritent de son nom   ; tandis que la vie n’est qu’un long martyre pour une femme comme moi, une d’Étioles, quand elle est réduite, mon Étienne, à t’entendre appeler Leroyer   !
    Sa mère, dans ce moment d’effusion, lui dit, baissant la voix comme pour une confidence tout intime   :
    – Une chose à laquelle tu ne t’attends pas, mon ami, va te causer, je suppose, un grand plaisir.
    – J’écoute, dit Étienne.
    – La baronne voulait te parler   ; elle te l’a dit.
    – Oui… Un service à lui rendre.
    – Et sais-tu quel service   ?
    – Non, ma mère.
    – Elle veut rester ici, dans cette maison.
    – Se faire garder par moi   ! Quel honneur et quel bonheur   !
    – Oh   ! mais elle est prudente. Elle se déguise. Voilà le service qu’elle te demandera   : lui trouver un uniforme.
    – Vraiment, c’est sérieux   ?
    – Mais, mon ami, je trouve qu’elle prend le meilleur parti. Déguisée en ouvrière, elle est connue et serait reconnue   : sous un uniforme, dans une compagnie, elle fait nombre. Souvent, sous leur apparente légèreté, les femmes de sa sorte cachent de profonds calculs et ont des inspirations pleines de bon sens, malgré leur originalité.
    Étienne souriait à une espérance bien naturelle.
    – Mon cher enfant, lui dit sa mère. Inutile de te recommander d’essayer de plaire à la baronne   : c’est à moitié fait   ; à moins d’être maladroit, tu réussiras.
    Elle reprit   :
    – La baronne ira loin. Elle jouira d’une haute faveur à la cour, après le rétablissement de la monarchie. Par elle tu peux faire un chemin rapide.
    Jean parut en ce moment. La berline était prête. M me  Leroyer embrassa une dernière fois son fils, en lui réitérant son dernier conseil   ; elle brusqua la séparation pour ne pas pleurer.
    Pleurer   ! Elle ne le voulait pas. Pleurer, parce que la nature l’y obligeait, parce qu’une mère a un cœur. Non, elle s’y refusait   ! La femme noble étouffait en elle la femme. Pleurer, quand enfin l’occasion se présentait brillante pour son fils de se réhabiliter de la roture. Allons donc   ! Elle eût rougi de sa faiblesse. Ainsi, cette mère sacrifiait son fils, non pas à son principe, non pas à une idée, mais à la vanité nobiliaire. Elle lui mettait l’épée à la main, non pour la patrie, mais pour gagner la faveur royale et relever un nom. Quelle faiblesse en face de la force immense de la démocratie dont les flots montants submergeaient toute résistance   !
    Devant l’ennemi, la France affamée, sans argent et sans pain, sans munitions et sans armes, allait lancer quatorze cent mille hommes, fabriquer deux millions de fusils avec les vieux fers réquisitionnés, fondre trois mille canons avec le bronze des cloches, coudre et tailler avec les doigts de ses femmes deux millions d’uniformes, tirer le salpêtre des caves, lavés par des procédés nouveaux dus au génie de ses savants   ; improviser en trois mois quatorze armées et les dresser devant l’ennemi qui, habitué depuis Rosbach à mépriser la France monarchique, va reculer partout, balayé par les phalanges républicaines et s’incliner rempli d’admiration devant le drapeau de la Révolution.
    À cette heure où une d’Étioles immole son enfant à un préjugé, quatre millions de mères et d’épouses françaises mettent les armes aux mains de leurs maris et de leurs frères et, comme les femmes de Sparte, leur ordonnent de partir et de mourir pour la patrie. Point d’autre espoir que de sauver la France, point d’autre récompense que l’estime du monde et le témoignage de la conscience.
    Que l’on compare et que l’on juge   !

Camarades
    Étienne était encore tout ému du départ de sa mère, lorsque la baronne entra dans le salon.
    Ce fut comme un rayon de soleil éclairant tout à coup une matinée obscure.
    – Ah   ! mon cher lieutenant, dit la baronne, vous voilà.
    Puis joyeuse   :
    – Nous allons être seuls maîtres de nos fantaisies, camarades et bons enfants, faisant ensemble nos folies.
    Le regardant affectueusement et prenant un ton de familiarité qui l’enchanta de la part d’une si grande dame, elle lui dit   :
    – Voyons, mon cher Étienne, vous êtes un bon garçon, n’est-ce pas   ?
    – Moi   ! bon garçon   ! Oh   ! ça, j’en jure   ! s’écria-t-il.
    – Un vrai serment

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