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La belle époque

La belle époque

Titel: La belle époque Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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commença le gouverneur général en français, nous savons tous que les festivités du tricentenaire arrivent à grand pas. Le comité d'organisation a préparé le synopsis des grandes représentations théâtrales, grâce aux conseils de l'historien Thomas Chapais. L'auteur, Ernest
    Myrand, travaille dès à présent sur les textes.
    Le choix de cet homme en avait étonné plus d'un. Agé d'un peu plus de cinquante ans, initié au journalisme par Israël Tarte des décennies plus tôt, il occupait un poste au gouvernement provincial depuis 1902. La publication de quelques ouvrages, comme La Fête de Noël sous Jacques Cartier, Sir William Phips devant Québec ou Frontenac et ses amis, qui combinaient des recherches historiques et musicologiques mais surtout une énorme dose de fantaisie poétique, avaient attiré l'attention sur lui. Le fonctionnaire fut détourné de ses occupations de registraire, aussi imprécises qu'importantes, pour livrer à ses concitoyens les textes du pageant.
    —    On m'avait confié la mission de trouver le metteur en scène de ces grandes représentations, continua le comte Grey, cette fois-ci en anglais. Je vous présente Frank Lascelles, qui s'est déjà illustré au Royaume-Uni dans ce genre d'entreprise.
    Pendant ces mots d'introduction, l'artiste avait posé son Homburg sur la table et sa grande cape noire sur une chaise. Son véritable nom était Frank William Thomas Charles Stevens, mais il avait adopté celui de Frank Lascelles, certainement plus facile à retenir, lors de son passage au His Majesty's Theatre. Ses yeux bleus, ses cheveux noirs trop longs, un peu ondulés et séparés au milieu, lui conféraient une certaine ressemblance avec le dramaturge et romancier Oscar Wilde. Une veste de velours rouge sombre, une écharpe négligemment jetée autour du cou, accentuaient un peu cette analogie.
    —    British to the core, maugréa Paul Laliberté, assez fort pour que Thomas l'entende.
    Comme pour lui donner raison, l'homme commença dans un anglais élégant, encore marqué par l'éducation reçue de son père, un pasteur anglican, et celle du Keeble College :
    —    Messieurs, nous entendons tenir ces fêtes à la mi-juillet. Cela nous donne quatorze, tout au plus quinze semaines afin de tout mettre en place. D'après le synopsis que j'ai vu, nous devons recruter trois mille comédiens, au bas mot.
    —    Voyons, c'est impossible ! remarqua quelqu'un en français.
    Le comte Grey dut traduire à l'oreille du metteur en
    scène. Celui-ci rétorqua :
    —    Je vous prie de m'excuser, je ne parle pas français. Cependant, mon assistant, James McDougall, qui se trouve près de la porte, maîtrise très bien votre langue. Vous pourrez lui parler comme à un autre moi-même.
    Tous tournèrent la tête pour voir un grand jeune homme blond debout à l'arrière de la salle, vêtu d'un costume de tweed, une casquette du même tissu à la main. Il inclina la tête en murmurant un « Enchanté, Messieurs » à peine audible. Lascelles continua :
    —    Oui, vous avez bien compris : trois mille comédiens au moins, tous des amateurs. Je compte déjà sur chacun d'entre vous, sur vos épouses et vos enfants pour jouer un rôle. Cela nous donnera déjà plusieurs centaines de volontaires. Comme l'auteur songe à évoquer de grandes batailles, on ne peut pas imaginer deux douzaines de personnes en uniforme.
    Les rumeurs, si nombreuses dans une petite ville, permettaient à chacun de savoir que la Conquête occuperait une place de choix dans les spectacles. Cela signifiait faire revivre les armées des généraux Wolfe et Montcalm.
    —    Dans votre très jolie cité, amoureuse de son passé, je ne doute pas que cela soit possible, continua le metteur en scène. Mais ce n'est pas tout. Je compte aussi sur vos épouses, en réalité sur toutes les femmes de Québec qui savent tenir une aiguille, pour travailler à la confection des costumes.
    —    Quel genre de costumes ? interrogea Chouinard, dans
    son meilleur anglais.
    —    Ceux de la cour de François I er , d'Henri IV, du milieu du XVIII e siècle. Un artiste, Charles Huot...
    Un murmure l'interrompit. La prononciation de l'homme s'avérait tellement boiteuse que personne ne sut d'abord de qui il était question. Il continua:
    —    ... a réalisé des dessins très intéressants, susceptibles d'inspirer les couturières. Je vous confie une première mission : invitez vos épouses à se réunir

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