Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La belle époque

La belle époque

Titel: La belle époque Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
Vom Netzwerk:
au plus tôt afin de former deux comités. Le premier servira à recruter les comédiennes et les comédiens. Le second planifiera la confection des costumes. On me dit que la salle 45 du palais législatif sera mise à leur disposition.
    Pendant quelques minutes encore, Frank Lascelles continua de décrire toutes les tâches qui attendaient les organisateurs et les volontaires engagés dans les commémorations. Quand il eut terminé, le comte Grey prit sur lui de clore l'assemblée :
    —    Messieurs, nous voici enfin à pied d'œuvre. Les plaines d'Abraham fourniront une scène exceptionnelle à nos grands spectacles. De partout sur terre, des personnages importants viendront célébrer avec nous le trois centième anniversaire de notre pays.
    Après avoir salué toutes les personnes présentes, serré la main des membres du comité d'organisation et du maire Garneau, le gouverneur général quitta la grande salle, le metteur en scène et son assistant sur les talons.
    —    De partout sur terre ! ricana Laliberté assez fort pour être entendu des quelques marchands autour de lui.
    —    En autant que je saisisse ce que le représentant de Sa Gracieuse Majesté entrevoit, commenta Thomas, il aimerait faire du tricentenaire quelque chose comme les noces de diamant de la reine Victoria... en un tout petit peu plus modeste, bien sûr.
    Les paroles du commerçant attirèrent tout de suite l'attention de quelques-uns de ses collègues, qui se rapprochèrent pour mieux entendre.
    —    Avec des représentants de tout l'Empire ? questionna l'un.
    —    A tout le moins, l'homme en rêve tout éveillé.
    —    Des maharadjas montés sur des éléphants paraderont dans nos rues ? évoqua Laliberté.
    Chacun avait contemplé des photographies des cérémonies grandioses du jubilé de diamant tenu à Londres en 1897, pendant lesquelles Wilfrid Laurier avait reçu le titre de chevalier, de sir. Le commerçant de fourrures écarquillait les yeux, incrédule. Thomas éclata de rire en disant:
    —    J'ai dit qu'il en rêvait. Si tu vois des éléphants dans la rue Saint-Joseph, où tu auras trop bu, où le cirque Wallace sera en ville. Sur ce, je vous souhaite bonsoir.
    Pendant quelques instants encore, Thomas serra les mains de ses collègues de la Basse-Ville et des principaux membres du Parti libéral toujours sur place. Très bientôt, tout ce beau monde devrait se mobiliser pour les élections provinciales.
    —    Sais-tu que nous aurons bientôt des élections ? demanda Edouard en faisant tourner son verre de cognac au creux de sa paume.
    —    Vous êtes terriblement bien informés, au sein de la Ligue nationaliste. Ou est-ce à l'Association catholique de la jeunesse canadienne-française ? Je ne sais jamais auquel des militants en toi je m'adresse.
    Thomas avait dit cela en riant. Derrière son lourd bureau, dans la bibliothèque de la demeure familiale, lui aussi buvait son alcool à petites gorgées. Son fils se trouvait en face de lui, sur une chaise.
    —    Cela te dérangerait, si je m'en mêlais ?
    —    Justement, Taschereau cherche des volontaires pour mener la campagne. Je le mettrai au courant de ton intérêt.
    —    Ce n'est pas ce que je voulais dire...
    Le garçon s'arrêta, constatant que son père se moquait de lui, puis reprit après une pause :
    —Je veux aider les nationalistes. Est-ce que cela t'embête?
    —    Ce sont des imbéciles...
    —    Ils veulent donner au français la place qui lui revient dans la province. Cela n'a rien de risible, je t'assure.
    Le ton d'Edouard indiquait surtout que la question lui tenait à cœur. Il continua, enthousiaste :
    —    Dans une ville où une large majorité de la population parle français, la Quebec Railway, Light and Power s'entête à envoyer ses états de compte en anglais. Leurs locaux se trouvent dans la rue Saint-Joseph, à mille pieds du magasin à peu près. Je connais les commis de cette société: tous parlent français, mais ils doivent écrire toute la correspondance dans une langue que la plupart ne parlent même pas très bien. Trouves-tu cela normal ?
    —    Je sais tout cela, vois-tu.
    En 1907, le député Armand Lavergne avait proposé sans succès l'adoption d'une loi fédérale donnant un statut égal aux deux langues, au gouvernement et dans les services publics du pays. Son insistance sur cette question, de même que ses critiques acerbes du gouvernement, avaient

Weitere Kostenlose Bücher