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La belle époque

La belle époque

Titel: La belle époque Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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convives, allant jusqu'à se dresser à demi pour mieux voir. Bientôt, il déclara, de l'excitation dans la voix:
    —    Ce sont eux, à la table près de la grande fenêtre.
    —    Voyons, cesse de fixer les gens comme cela, grommela Fernand en consultant le menu. C'est gênant pour eux, et pour moi.
    —    Ils sont venus pour se montrer, non ? S'ils ne voulaient pas qu'on les regarde, le plus simple aurait été qu'ils restent à la maison.
    Les deux garçons passèrent leur commande au serveur venu à leur table. A la fin, le notaire en devenir questionna de mauvaise grâce :
    —    Bon, qui est là ?
    —    Si je me fie aux photographies dans le journal, et à leur curieux accent qui s'entend jusqu'ici, je parierais sur le marquis de Lévis-Mirepoix et le comte Bertrand de Montcalm.
    Les journaux faisaient toute une histoire de la présence à Québec des descendants des deux principaux généraux français de la guerre de conquête.
    —    Et le troisième homme, qui est-ce ?
    —    Le maire de Brouage? L'ambassadeur de France à Ottawa ? Ou le nouveau consul à Québec ? Tout de même, je ne connais pas tous les invités.
    —Je suppose que tu as repéré aussi les héritiers de nos conquérants magnanimes ?
    Des représentants des familles de James Wolfe, Guy Carleton et James Murray honoraient aussi la ville de leur présence. En de multiples occasions, on retrouverait ces descendants de personnes illustres tous ensemble sur une scène, afin de célébrer l'Entente cordiale entre le Royaume-Uni et la République française, et aussi l'harmonie prévalant au Canada entre les descendants des vainqueurs et des vaincus.
    —    Maintenant que tu as entraperçu ces fantômes du passé, commenta Fernand pendant que le serveur plaçait une assiette devant lui, il ne te reste plus qu'à aller reprendre le travail au grand magasin.
    —    La paternel m'a donné congé. Nous pourrons aller aux compétitions sportives sur le terrain de l'exposition provinciale.
    —    Evidemment, alors que je ne suis pas très frais moi-même, aller respirer l'odeur de sueur de centaines de marins s'affrontant dans des compétitions dignes d'une kermesse paroissiale est tout indiqué.
    —    Quel rabat-joie tu fais ! conclut Edouard en entamant son repas.
    Malgré les réticences de son ami, ce programme prévaudrait finalement.
    —    Madame, l'eau est revenue !
    Jeanne se tenait à l'entrée du salon, visiblement heureuse de mettre fin à la pénible corvée d'aller chercher l'eau avec un seau au point de distribution le plus proche. Après tout, elle n'avait pas quitté sa paroisse pour connaître le même inconfort à la ville. Elle tenait tout autant à l'eau courante que ses employeurs.
    —    Quelle bonne nouvelle, commenta Elisabeth. Nous étions sur le point de manquer de vaisselle.
    La voix d'Eugénie vint de l'étage, impérative :
    —Je vais me laver la première.
    —    Tu n'auras pas d'eau chaude avant une petite heure, nota sa belle-mère.
    —    Tant pis. Je dois rejoindre Elise tout à l'heure. Nous voulons aller au parc Savard.
    —    N'oublie pas que nous devons nous retrouver sur les plaines d'Abraham vers quatre heures.
    Un certain trac envahissait Elisabeth à l'idée de faire ses premiers pas dans le merveilleux monde du théâtre. Que ce soit sur le dos d'un grand cheval noir ne la rassurait pas du tout. Plutôt que d'imiter sa belle-fille et aller contempler des jeunes hommes en uniforme, d'ici là elle aiderait à laver la vaisselle accumulée dans l'évier depuis la veille, afin de tromper son angoisse.
    Une heure plus tard, Eugénie et Elise montèrent dans un tramway pour se rendre au parc Savard, près de l'Hôpital des immigrants.
    —    Tu es certaine que c'est une bonne idée ? questionna la brunette en prenant place sur une banquette de bois.
    —    Je ne vais pas rester enfermée à la maison, alors que la ville regorge de visiteurs.
    —    Tout de même, ce genre de cérémonie ne doit rien avoir de bien intéressant.
    Pourtant, des centaines de jeunes filles prenaient le même chemin qu'elles. Après avoir changé deux fois de voitures, les amies descendirent tout près du parc. Sur les vastes pelouses, plus d'une centaine de tentes bien alignées occupaient toute la place. Pendant quelques minutes, elles déambulèrent dans ce grand village de toile, soulevant les regards égrillards de nombreux hommes que la vie militaire

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