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La belle époque

La belle époque

Titel: La belle époque Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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tous les cent ans : impossible de rester chez soi en ce jour.
    Très vite, le malaise entre eux devint palpable. L'aîné tendit la main à Elisabeth en continuant :
    —    Madame, décidément vous présentez mieux que personne les vêtements du magasin Picard. Avec ceux de ma petite boutique, vous seriez parfaite. Seule la mode de Paris convient à votre beauté.
    —    Cessez de me taquiner. Vos deux modèles rendent plus justice que moi à votre marchandise. Je ne ferais que tout gâcher.
    Alfred répondit d'un sourire, tendit successivement la main à Edouard et à Eugénie. Un silence insupportable s'installa ensuite entre eux. Thomas n'osait pas saluer Marie : au mieux, il se heurterait à son mutisme. Au pire, elle pouvait hurler de nouveau les accusations lancées près de douze ans plus tôt, dans les locaux administratifs du grand magasin. Lors de ses nuits d'insomnie, le «salaud» retentissait encore à ses oreilles.
    Rougissante, Elisabeth tenta de sauver la situation. Elle s'approcha de Marie, sa main gantée tendue, prit d'autorité celle de sa vis-à-vis puis plantant ses yeux dans les siens, lui adressa ses mots :
    —    Je suis heureuse de vous revoir, Madame, après toutes ces années.
    —    ... Moi aussi. Vous.
    La précision se révélait inutile. Son corps tendu, son regard accroché à celui de la jeune femme et qui cherchaient à exclure tous les autres, parlaient d'eux-mêmes.
    —Je vous reverrai peut-être pendant les spectacles historiques.
    —    Non, souffla Marie. Je dois m'occuper du commerce.
    —    Nous aurons sûrement une autre occasion.
    —    Peut-être.
    Le ton de Marie montrait que cette éventualité ne lui répugnerait pas. Elisabeth lâcha la main, adressa un sourire à Mathieu et à Thalie, puis rejoignit sa famille, deux pas derrière elle. Thomas toucha son chapeau dans un dernier salut, puis guida les siens vers la rue Buade.
    —    C'est le destin, murmura Alfred en offrant son bras à son épouse. Parmi toutes ces personnes, faire cette mauvaise rencontre... Rentrons chez nous.
    Elle acquiesça d'un signe de tête, tendit la main à Thalie une nouvelle fois. Après quelques pas, la fillette demanda, un peu préoccupée :
    —    Tu n'aimes pas notre oncle ?
    —    Non, je ne l'aime pas.
    Après cette scène, et les quelques autres qui s'étaient produites à l'identique au fil des ans, mentir ne servirait à rien. La difficulté vint avec les questions suivantes.
    —    Il t'a fait du mal ?
    —    ... Oui.
    —    Tu me racontes ?
    —    Non, ma belle. Ce sont des histoires de grandes personnes.
    Le silence qui suivit cette rebuffade ne dura que quelques
    minutes, le temps de contourner la basilique, de traverser le parvis et d'atteindre la rue de la Fabrique.
    —    Tu me dis toujours qu'il faut se raccommoder, quand on a une dispute.
    Un silence inconfortable succéda à ces derniers mots. Au moment de déverrouiller la porte du commerce, Alfred prit sur lui de dire :
    —    Thalie, te souviens-tu du garçon qui maltraitait Mathieu l'automne dernier, puis celui qui s'est attaqué à toi, il y a quelques mois ?
    L'événement s'avérait inoubliable. Un petit voyou avait cru trouver quelques sous dans les poches d'une gamine bien vêtue, de trois ou quatre ans plus jeune que lui. Sa victime lui réservait une surprise : un hurlement de rage, capable d'alerter tout un pâté de maisons, et trois solides coups de pied dans un tibia, avaient mis l'apprenti bandit en fuite.
    —    Personne ne t'a demandé de te réconcilier avec lui. C'était trop grave.
    —    Notre oncle a fait du mal à maman ?
    Marie montait l'escalier sans bruit, heureuse d'échapper à l'obligation d'expliquer son attitude. De toute façon, pas un mot de plus ne serait sorti de sa gorge serrée.
    —    Oui. Parfois, ce qui se passe entre deux personnes rend ensuite tout rapprochement impossible. Tu peux comprendre cela, n'est-ce pas ?
    La gamine le regardait de ses grands yeux. Mathieu, près d'elle, écoutait de toutes ses oreilles, sans émettre un son.
    —    Toi, tu lui parles encore.
    —J'ai été très en colère contre lui, mais je sais qu'il éprouve des regrets. Puis c'est mon frère. Quoi qu'il arrive, ce lien existera toujours entre nous.
    Elle posa ses grands yeux sur Mathieu, lui tendit la main. Avant de s'engager dans l'escalier, elle fit un grand signe d'approbation.
    Depuis la malencontreuse rencontre

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