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La belle époque

La belle époque

Titel: La belle époque Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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la Grande Allée, juste à l'extérieur des murs d'enceinte de Québec. Edouard attendit sur la pelouse pendant dix bonnes minutes, avant d'apercevoir Elise Caron, marchant vers lui d'un pas rapide. Elle portait une robe de mousseline blanche et un chapeau de paille orné de fleurs. Ses gants montaient jusqu'au milieu de ses avant-bras.
    —J'aurais pu aller vous chercher à la maison, déclara le jeune homme en lui tendant la main.
    —    ... Non, cela vaut mieux ainsi, dit-elle en lui serrant doucement la main.
    La jeune fille préférait faire de cette rencontre un rendez-vous clandestin. Edouard trouva un petit côté excitant à la situation. Il lui présenta son bras en disant :
    —    Non ferions bien d'y aller, sinon le concert commencera sans nous.
    Elle prit son bras et ensemble ils marchèrent vers le grand édifice. Deux hommes vêtus de l'uniforme de couleur brunâtre du régiment de Carignan-Salières les accueillirent à la porte. Le garçon remit ses billets au premier en demandant:
    —    Se peut-il que je vous connaisse ?
    —    Nous sommes des zouaves. Vous pouvez nous voir tous les dimanches à la basilique.
    Sans le ridicule pantalon bouffant gris de leur accoutrement habituel, ces personnes paraissaient un peu plus martiales. Edouard ne put s'empêcher de le leur faire remarquer :
    —    Ne trouvez-vous pas que cet uniforme est plus seyant que l'autre? Avec une arquebuse... ou même une pique, vous seriez sensationnels. Certains pourraient même y croire.
    L'ironie n'échappa pas à son interlocuteur, qui répondit froidement :
    —    Avancez, Monsieur. Des personnes attendent.
    Le jeune homme continua son chemin, un sourire amusé sur les lèvres. Pendant que le couple gagnait les deux chaises, dans les premiers rangs, correspondant au numéro de leurs billets, Elise le gronda :
    —    Ne pouvez-vous pas vous en empêcher ?
    —    Que voulez-vous dire ?
    —    Vous moquer de ce zouave. Vous ne ratez jamais une occasion de provoquer les gens.
    Edouard regarda la grande salle autour de lui. Habituellement, les miliciens, ces soldats amateurs le plus souvent recrutés dans la petite bourgeoisie, venaient apprendre à marcher au pas et à manipuler un fusil de bois de façon crédible. Ce soir, deux mille chaises serrées les unes contre les autres recevaient autant de spectateurs.
    —    Vous ne trouvez pas ces hommes ridicules ? Les soldats du pape ! Ils sont allés défendre le pouvoir arbitraire du souverain pontife sur une petite principauté italienne contre les forces républicaines.
    —    Je sais. Nous suivions aussi des cours d'enseignement religieux, chez les ursulines.
    —    Les mauvaises langues prétendent que les seules victimes, chez les zouaves canadiens, sont mortes de la syphilis attrapée dans les bordels. Ce qui n'empêche pas leurs successeurs de plastronner dans leur banc de fonction au fond des églises, tous les dimanches.
    L'allusion à la maladie honteuse, surtout à la façon de l'attraper, mit le rose aux joues de la jeune femme. Heureusement, l'arrivée des artistes à l'avant de la grande salle lui permit de laisser ce sujet de conversation. Une centaine de musiciens vinrent occuper autant de sièges placés face à l'auditoire, puis un chœur de quatre cents personnes, des hommes et des femmes, se massèrent tout au fond. Ensuite, Joseph Vézina prit sa place devant le lutrin du chef d'orchestre. Enfin, une demi-douzaine de solistes, en tenue de soirée, firent les derniers leur entrée.
    Des applaudissements nourris accueillirent tout ce monde. Quand le silence revint dans la salle, les premières mesures de l'ode symphonique Christophe Colomb, l'œuvre de Félicien
    David, firent entendre leur plainte. Puis ce fut le récitatif:
    Oui Colomb vous entend, mystérieux génies,
    Qui dans mes nuits m'avez réveillé tant de fois La mer vous a prêté toutes ses harmonies;
    C'est l'heure. ..j'obéis à vos puissantes voix.
    Dans les allées ménagées entre les rangées de chaises, des zouaves convertis en soldats de la Nouvelle-France assuraient l'ordre...
    Après quatre heures, la magie opérait toujours. Douze mille personnes, dans les gradins, communiaient avec les quatre mille qui se produisaient devant eux. La soirée très douce, la magnificence du cadre des plaines d'Abraham, avec comme arrière-scène le fleuve Saint-Laurent et la rive sud, participaient à l'atmosphère propice au recueillement. Non seulement des

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