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La belle époque

La belle époque

Titel: La belle époque Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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en réalité, le système de sémaphore créé par Lascelles permettait de synchroniser l'action des divers protagonistes, trois bateaux parmi les plus élégants du Yacht Club de Québec remontèrent le fleuve toutes voiles dehors.
    Grâce à la magie du théâtre, un instant plus tard, Jacques Cartier, interprété par l'avocat Moïse Raymond affublé d'une horrible barbe postiche, sortit d'un bosquet, accompagné de quelques dizaines de matelots chantant à pleins poumons :
    A Saint-Malo, beau port de mer, (bis)
    Trois gros navires sont arrivés,
    Nous irons sur Veau,
    Nous irons mus promener,
    Nous irons jouer dans Vile...
    D'un seul mouvement, la foule se leva pour acclamer les hardis découvreurs du Canada. Ce chant attira les Amérindiens hors de leurs tipis. Rassurés par cette attitude bon enfant, ils entamèrent une danse endiablée en criant: Agouasi! ce qui, selon la science qu'Ernest Myrand possédait de la langue des Iroquoiens du Saint-Laurent, signifiait: «Bienvenue ! »
    Un moment plus tard, alors qu'on lui amenait un malade à guérir, Cartier entamait la récitation de l'Evangile selon saint Jean en latin. Puis, sans transition, les matelots érigèrent une croix alors qu'une chorale entonnait Au chemin du calvaire, de Charles Gounod. En signe de soumission instinctive au seul vrai Dieu et au roi de France, les Amérindiens déposèrent des offrandes d'aliments et de fleurs au pied du symbole chrétien.
    — Comme c'est beau, murmura une femme debout près
    d'Élisabeth.
    A l'abri des regards dans un bosquet, tenant par la bride un cheval qui avait la bonne idée de se retenir de hennir, elle suivait le spectacle de loin.
    — Oui, c'est beau, admit-elle sans se retourner.
    Sous ses yeux, Jacques Cartier, ses marins et trois Amérindiens, ses «invités», regagnèrent les frondaisons d'où ils étaient venus. À peine ces comédiens disparurent-ils qu'un bruit de trompette annonça le début du second tableau: il fallut bien dix minutes pour que la foule des courtisans de François I er sortent à leur tour du sous-bois pour se rassembler au centre de la scène, précédés d'enfants engagés dans la sarabande folle des faunes et des satyres.
    Élisabeth reconnut sans mal la silhouette mince d'Eugénie, vêtue d'une élégante robe blanche garnie de dentelle, l'incarnation de Marguerite de Navarre, la sœur du roi. Un moment, on avait pensé à lui faire interpréter le rôle de la fille âgée de treize ans de ce dernier, à cause de son corps à peine sorti de l'enfance. Ses protestations véhémentes avaient finalement épargné cet affront à ses charmes.
    Puis ce fut au tour de François I er et de la reine Éléonore de se présenter, pour aller s'asseoir sur des trônes posés sous un dais. Jacques Cartier, accompagné de Donnacona et de ses fils Domagaya et Taignoagny, vint s'agenouiller aux pieds du souverain.
    JACQUES CARTIER. — Sire.
    FRANÇOIS I er . — Loyal et fidèle serviteur, je suis heureux d'apprendre votre retour, et de vous remercier d'avoir bravé, une fois de plus, les dangers de l'océan, pour la plus grande gloire et les meilleurs intérêts de notre couronne. Que me rapportez-vous du Nouveau Monde ?
    JACQUES CARTIER. —Je vous ai découvert et conquis trois royaumes!
    Merveilleusement disposée, toute l'assistance répéta en chœur: «Trois royaumes!» de concert avec tous les comédiens.
    JACQUES CARTIER. — Trois royaumes: celui de Saguenay, celui de Canada, dont voici le roi (montrant Donnacona) et celui d'Hochelaga. Leurs territoires réunis dépassent en superficie l'étendue de notre France. Je me suis même laissé dire que l'Europe y tiendrait.
    FRANÇOIS T. — Eh ! capitaine-découvreur, dites-moi, ne me faites-vous point la part trop large dans la succession d'Adam ? Vous saviez que j'enviais et jalousais mes frères, les rois d'Espagne et du Portugal; serait-il vrai que je fusse mieux nanti qu'eux?
    — Mesdames, Messieurs, je suis désolé de vous arracher à une scène si édifiante, prononça Joseph Savard d'une voix un peu moqueuse, mais si nous ne voulons pas faire attendre sa majesté Henri IV, il nous faut nous préparer.
    Elisabeth révélerait ses talents de cavalière à ses concitoyens dans le tableau suivant. Elle s'arracha sans mal aux dialogues insipides écrits par Ernest Myrand.
    Le Manège militaire, une construction de pierre assez basse coiffée d'un toit pointu de tôles de cuivre devenues vertes au fil des ans, s'élevait près de

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