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La belle époque

La belle époque

Titel: La belle époque Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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votre présence? Le capitaine de l'Albermarle offre un petit bal sur le pont du navire. La fanfare de l'équipage fera les frais de la musique.
    Le rouge monta aux joues d'Eugénie : le souvenir des privautés de la veille hantait son esprit. Tout l'incitait à dire non. Elle murmura plutôt :
    —    Les représentations finissent tard.
    —    Je sais, vers dix heures. Le temps de venir jusqu'ici, et vous ne serez presque pas en avance. Je vous attendrai au même endroit que tout à l'heure vers dix heures trente.
    —    ... D'accord.
    L'homme baisa ses doigts, les abandonna pour tourner les talons et revenir sur les quais.
    Élisabeth tenait la bride de sa monture d'une main ferme, tout en lui caressant les naseaux de l'autre. Elle commençait à réaliser que durant toute cette semaine, elle serait sans doute plus souvent en tête-à-tête avec ce grand animal qu'avec son époux. Autant cultiver de bons rapports avec lui.
    La scène de François I er dans la forêt de Fontainebleau se terminait avec le ballet des Faunes, de jeunes adolescentes dont l'habillement à la limite de l'acceptable laissait les bras et les jambes nus, une robe légère sur le dos. Celles-ci complétaient leur danse dans un tonnerre d'applaudissements, devant des estrades bondées.
    — Mesdames, Messieurs, en selle, murmura Joseph Savard en se promenant parmi son groupe de cavaliers. Ce sera bientôt notre tour.
    Les comédiens engagés dans cette grande entreprise se transformaient souvent en accessoiristes, au cours du spectacle. Au pas de course, les marins de l'équipage de Jacques Cartier déroulaient sur le sol une immense toile bleu décorée de fleurs de lys; d'autres tendaient des toiles grises retenues à la verticale par des perches. Elles devaient représenter les murs du palais du Louvre. Dans un coin, d'autres encore plaçaient deux trônes sous un dais richement décoré.
    Ensuite, plusieurs dizaines de comédiens se répandirent sur la vaste scène, personnifiant autant de courtisans de la cour d'Henri IV. Les hommes portaient un pantalon serré sur les jambes, au point de révéler tous les détails de leur anatomie, et une culotte bouffante ; les femmes, des robes richement ornées de rubans et de dentelles, tendues sur des crinolines de grandes dimensions.
    Elisabeth grimpa sur une boîte de bois, posa le pied droit dans l'étrier et d'un mouvement souple monta sur le cheval. La selle amazone différait de celle utilisée par les hommes. Pour éviter l'inconvenance de montrer les personnes «du sexe» les cuisses écartées de part et d'autre des flancs d'un étalon, les deux jambes devaient se trouver du côté droit, dissimulées par la cascade de tissu de la jupe et du jupon, un seul pied dans un étrier.
    Une curieuse forme de bois recouverte de cuir, en forme de fourche, se trouvait entre les cuisses d'Elisabeth, la gauche appuyée sur la première «dent», la droite sous la seconde. Pour demeurer bien en place, son corps suivait le mouvement du cheval.
    —Je peux vous aider, madame Picard ?
    Comme chaque jour de répétition, et à chaque représentation, Joseph Savard venait lui offrir son assistance, à quoi elle répondait toujours la même chose :
    — Merci, ce ne sera pas nécessaire.
    Comme pour s'en assurer, le président du club de chasse regardait un moment la bottine de cuir fin qui remontait haut sur la cheville, le début d'un bas bleu ciel, d'une teinte voisine de la robe, émergeant d'un froufrou de lin blanc, puis détournait à regret son attention vers une autre cavalière.
    Le tintamarre des trompettes accompagna sa sortie du bosquet. Juste devant elle, affublé d'une ridicule barbe postiche, Antoine Couillard, revêtu d'une robe de velours marquée de fleurs de lys dorées et bordée d'hermine, personnifiait le roi Henri IV. A ses côtés, dans une robe au décolleté audacieux et décorée de fausses perles, madame Auguste Carrier faisait une Marie de Médicis passable. Ce couple, attifés de costumes peu propices à l'équitation, était formé des deux meilleurs cavaliers de la petite troupe, ceci supposé compenser cela. Ils devaient descendre de cheval avec élégance afin de regagner les fauteuils sous le dais. Quant aux trois douzaines de courtisans sortis du bois avec le roi, le corps raide et la tête haute, ils constituaient en quelque sorte le fond de scène équestre. Cela permettait à des notables de montrer leurs magnifiques montures et à Elisabeth, sa
    silhouette

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