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La belle époque

La belle époque

Titel: La belle époque Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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Champlain, une construction de madriers et de planches de dimensions conséquentes, protégée par une palissade de pieux. Il demanda des explications au premier ministre. Cette bâtisse souffrait de la proximité du grand entrepôt de Thibaudeau & Frères. Le passé et le présent se voisinaient grâce à ces deux constructions ayant une vocation semblable, et l'ampleur de la seconde mettait en évidence tout le chemin parcouru depuis le début du XVII e siècle.

—    Comme il est beau ! murmura Eugénie, fascinée par l'auguste personnage qui donnait son appréciation de l'édifice historique à Laurier..
    La jeune fille exprimait là le sentiment de toutes les femmes présentes. George, ses cheveux courts bien placés sur son crâne, le visage orné d'une courte barbe, un port martial accentué par l'uniforme militaire, l'épée et de multiples décorations, incarnait pour elle toute la beauté virile faite homme. Chez les Canadiennes anglaises, cette fascination confinait à l'idolâtrie.
    Le prince regarda autour de lui sans afficher la moindre surprise, le Canada et ses habitants lui étant déjà bien familiers. Il se laissa guider jusque sur la grande estrade où attendaient, entre autres notables, tous les membres du Cabinet canadien. Quand il se fut assis sur le fauteuil d'honneur, le premier ministre, la tête nue auréolée de ses cheveux blancs portés longs, commença en français :
    —    Au très Haut, très Noble et très Illustre George-Frederick-Ernest-Albert, prince de Galles, duc de Saxe, prince de Cobourg et Gotha, duc de Cornouailles et de Rothesay, comte de Chester, Carrick et Dublin, baron de Renfrew et Lord des Iles, Grand Intendant d'Ecosse, Chevalier de l'Ordre très Noble de la Jarretière, etc., etc. Qu'il plaise à Votre Altesse Royale : en leur propre nom, au nom du Parlement et au nom du peuple du dominion, les membres du gouvernement du Canada désirent offrir à Votre Altesse Royale la plus respectueuse et la plus cordiale bienvenue.
    Il continua en l'assurant de la plus indéfectible loyauté de ses sujets canadiens.
    Ces mots furent repris en anglais. Laurier regagna ensuite son siège, et ce fut au visiteur de répondre, d'abord en français, puis dans sa langue maternelle :
    —    C'est avec un vif plaisir que je reçois l'assurance de la sympathie et de la loyauté avec lesquelles, au nom de la nation canadienne, vous m'accueillez aujourd'hui à l'occasion de ma sixième visite au dominion du Canada.
    Ces mots furent soulignés par un tonnerre d'acclamations. La courte allocution mettait fin aux cérémonies de bienvenue. Le prince de Galles, sa suite et quelques personnages officiels se répartirent entre sept landaus. Derrière le chef de la police de Québec, à cheval, un détachement de la police montée du Nord-Ouest ouvrait le cortège, et un peloton de dragons le fermait. Tout le long du chemin jusqu'à la Citadelle, où le visiteur serait l'hôte du gouverneur général, une foule nombreuse se massait sur les trottoirs afin de crier son amour. Une double haie de soldats, des deux côtés des rues, devait contenir cet enthousiasme.
    Eugénie émergea de sa fascination monarchiste comme d'un rêve pour déclarer, une pointe d'inquiétude dans la voix:
    —    Je ne serai jamais revenue à temps pour le début du spectacle... Je fais partie du premier tableau !
    —    Je m'en suis souvenu, alors j'ai réquisitionné un cocher juste pour vous, déclara le lieutenant Harris. Il attend dans la rue du Petit-Champlain.
    —    Avec toute cette foule, il ne reste certainement plus une voiture de libre.
    Des milliers de personnes, après avoir assisté à l'arrivée du prince George, cherchaient maintenant à rentrer chez elles. Même des laitiers profiteurs offraient à des badauds l'inconfort de leur charrette afin de faire quelques sous à leurs dépens.
    —    Vous devriez faire confiance à mes talents.
    L'homme la guida dans la petite rue voisine, où un cocher résistait courageusement aux offres nombreuses que lui faisaient des touristes depuis le trottoir. Richard Harris avait acquis sa fidélité en lui payant pour une seule course le salaire de la journée. Comme l'avance prenait la forme de la moitié d'un billet déchiré de deux dollars, celui-ci devait attendre pour toucher son pactole.
    L'officier aida la jeune fille à grimper dans la voiture, garda sa main gantée dans la sienne pour demander:
    —    Ce soir, je peux compter sur

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