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La belle époque

La belle époque

Titel: La belle époque Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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prince se montrait amoureux de Mary de Teck, au point de rédiger tous les jours une longue missive à son intention. Pourtant, rien n'annonçait une si belle complicité. Un hasard malencontreux les avait réunis : promise à son frère Albert Victor, mort prématurément, Victoria lui avait forcé la main pour qu'il prenne le relais. Dans leur couple, disaient les mauvaises langues, elle était la tête...
    Les pires discours, comme les meilleures choses, ont une fin. Passant entre des haies de soldats au garde-à-vous, George regagna son landau au moment où le bruit d'un long défilé arrivait à ses oreilles. À lui et au gouverneur général, la grande voiture servit de trône, en quelque sorte, pour observer les fantômes de la Nouvelle-France et des premières décennies du régime anglais, de Jacques Cartier à Charles de Salaberry, qui venaient jusqu'à eux.
    Alors que les personnages historiques achevaient de défiler devant le prince de Galles, ignorant tout de ces célébrations, Marie remettait son chapeau de paille. James lui avait prêté un peigne afin de remettre un peu d'ordre dans ses cheveux. Cette fois, sa mise ne trahirait en rien ses activités.
    —    Tu penses que nous pourrons nous revoir ? questionna-t-elle d'une voix hésitante.
    —Je m'embarque à Halifax, en Nouvelle-Ecosse, en soirée le 1 er août prochain. Je quitterai Québec en fin de journée, la veille.
    —    Dans une semaine... Ton projet de faire un peu de tourisme...
    —    Un collège d'Aberdeen souhaite recourir à mes services pour la prochaine année. Je dois y être à la mi-août.
    La jeune femme espérait un autre rendez-vous, mais le ton de son amant, dépité, lui signifiait que ce ne serait pas le cas.
    —    Je comprends, répondit-elle dans un soupir. Cette parenthèse doit se refermer.
    —    Pas nécessairement. Je peux acheter un second billet de train dès demain matin.
    La voix de l'homme tremblait un peu: offrir une fuite discrète à une femme mariée ne figurait pas dans ses habitudes.
    —    Tu sais, là-bas, personne ne te connaît.
    Autrement dit, elle pourrait se faire passer pour son épouse sans trop de mal. Les chances qu'un voyageur l'identifie dans une ville grise et froide du nord de l'Ecosse se révélaient nulles. A moins bien sûr qu'un hurluberlu ne réclame son contrat de mariage. Ce pouvait être un directeur de collège. Ces gens-là, justement, se souciaient de la moralité de leurs employés.
    Marie s'approcha, posa sa main sur celle de son compagnon, puis murmura :
    —    C'est gentil de l'évoquer, mais tu risques de ruiner ta carrière. Surtout, tu oublies que j'ai trois bonnes raisons de ne jamais quitter cette ville.
    —    Tes deux enfants, bien sûr. Ils sont adorables.
    —    Et un mari.
    —    Celui-là...
    Elle leva la main pour la poser sur la bouche de James, afin de le faire taire, et dit doucement:
    —    Ne fais aucune remarque sur ce que tu ne comprends pas. Je tiens à Alfred à un point que tu ne peux imaginer. Tu m'embrasses une dernière fois ?
    L'homme s'exécuta de mauvaise grâce. Au moment où elle posa la main sur la poignée de la porte, il répéta :
    —    Si tu changes d'idée, fais-le moi savoir.
    —    Tu sais que tu es un gentil garçon? Je ne m'inquiète pas pour toi. Une Écossaise rousse et toute picotée réchauffera ton lit.
    Les larmes aux yeux, elle sortit, regagna l'escalier de service. Derrière elle, dans le même état, un homme hésitait entre le désespoir et le soulagement.
    Chapitre 22
    Parfois, la beauté du jour déclinant, la lumière blanche, les ombres s'allongeant sur les plaines d'Abraham, le disputaient à la splendeur du spectacle historique. Ce fut le cas le vendredi 24 juillet. Après la clôture, quand les comédiens, se dispersèrent en direction de la Grande Allée, Elisabeth constata sans surprise la disparition d'Eugénie. Très vite après le dernier tableau, elle regagna une baraque branlante, aux murs construits de grandes feuilles de contreplaqué, afin d'enlever son costume de cavalière inspiré du début du XVII e siècle.
    Au moment où elle sortait, Joseph Savard dit dans son dos, de sa voix la plus onctueuse :
    —    Madame Picard, vous êtes tellement élégante !
    Ce diable d'homme rôdait autour des vestiaires pendant toute la soirée. La fièvre des grandes fêtes montait à la tête de certains et finissait par fissurer le masque de vertu habituel dans ce

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