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La belle époque

La belle époque

Titel: La belle époque Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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petit milieu. Le démon de la luxure guettait sous les bosquets.
    —    Je dois me rendre au bal donné en l'honneur du prince de Galles, répondit-elle en essayant de dissimuler son agacement.
    L'homme l'examina des pieds à la tête. Le grand fourreau de soie ivoire rendait sa silhouette exquise. Une coiffeuse de l'équipe du pageant avait accepté de lui donner un coup de peigne entre deux interventions sur les comédiennes. Son rang de perles soulignait la ligne du cou et des épaules découvertes. Mais son interlocuteur préférait laisser ses yeux sur la naissance des seins, découverte par l'échancrure de la robe.
    —    Vous ne pouvez pas vous rendre à l'Assemblée législative dans cette tenue. Je vais vous reconduire.
    —    Je vous remercie, mais mon mari doit déjà m'attendre près de la rue.
    Sans s'attarder davantage, relevant le devant de sa robe afin d'éviter de trébucher sur ce terrain inégal, Elisabeth se dirigea vers la Grande Allée. Des voitures, de la grosse berline au léger coupé, s'alignaient le long des trottoirs, de part et d'autre de l'artère. Pendant quelques minutes, elle marcha en examinant les passagers. A la fin, une voix attira son attention :
    —    Ici!
    Thomas se tenait près d'une voiture de louage. Il demanda quand elle l'eut rejoint :
    —    Eugénie ne devait pas venir aussi ?
    —    Elle a été invitée. Mais à la fin du spectacle, elle demeurait introuvable. Comme tous les soirs depuis sa rencontre, je suppose qu'elle a rejoint son officier.
    Le reproche marquait sa voix. Son mari demeura un moment embarrassé, puis céda :
    —    Demain matin, pas plus tard qu'au déjeuner, je vais mettre fin à cette situation.
    —    Tu sais bien qu'elle ne se lèvera pas avant midi. Si tu ne reviens pas à la maison pour le dîner...
    Le commerçant ne rentrerait pas avant quatre heures: l'aînée serait alors partie pour le pageant. Il échappa un soupir lassé, puis déclara :
    —    Alors pas plus tard que dimanche. A moins de se sauver par une fenêtre, elle ne pourra pas échapper à cette conversation.
    Discuter des affaires de famille sur le trottoir paraissait
    bien inconvenant. L'homme changea de sujet:
    —    Ces gens-là gagneront plus d'argent que moi, pendant cette dizaine de jours.
    Il parlait des cochers de la ville.
    —    Ils ont doublé leurs prix, protesta-t-il assez fort pour être entendu du sien, tout en ouvrant la porte du fiacre.
    —    Comme les hôteliers, les aubergistes, les restaurateurs, répondit Elisabeth. Et même toi...
    —    Si peu, si peu, en comparaison.
    —    Tout de même, si ton ami Chouinard souhaitait d'abord des célébrations pour commémorer la Nouvelle-France, toi et tes collègues escomptiez de bonnes affaires, non ?
    Sur la banquette étroite, Thomas fit attention de ne pas s'asseoir sur sa queue-de-pie, soucieux de ne pas paraître négligé.
    —    Sans doute. Mais en exagérant, certains de ces profiteurs incitent les touristes à ne jamais revenir à Québec. C'est comme manger la poule: ensuite, personne ne peut plus profiter des œufs.
    Les préoccupations mercantiles de son époux laissaient la jeune femme indifférente, encore toute à son irritation. Comme il valait mieux ne pas revenir sur Eugénie, son premier motif de frustration, elle évoqua le second :
    —    Savais-tu qu'en me proposant de participer à ce pageant, tu me poussais dans les pattes d'un obsédé lubrique ?
    —    Pardon ?
    —    Ce Savard. Non seulement il rêve de mettre ses grosses mains dans mes jupes sous prétexte de m'aider à monter, mais voilà qu'il rôde du côté des baraques où nous nous changeons.
    —    ... Veux-tu que je m'en mêle ?
    Elisabeth sourit en imaginant son mari venir rosser le maître des courtisans d'Henri IV. La scène serait cocasse.
    —    Non, je suis assez grande pour m'occuper de lui. Je ne suis plus une petite préceptrice.
    L'allusion à la courte année passée au service des Picard troubla un peu Thomas. A ce moment, sa femme avait connu les grosses mains d'un homme concupiscent, les siennes, pour la première fois.
    —Toutefois, continua-t-elle après une pause, demain je monterai avec une cravache, un accessoire que Lascelles a ignoré dans sa mise en scène. Si ce bonhomme se retrouve avec une marque violette en travers du visage, tu sauras pourquoi... tout comme sa femme.
    La voiture fut bien vite dans l'avenue Dufferin, dans

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