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La belle époque

La belle époque

Titel: La belle époque Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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à la taille, puis laissa retomber sa robe sur ses jambes.
    —    Nous pouvons y aller ? demanda l'officier en se levant.
    Autant cet homme avait montré une certaine patience
    pour l'entraîner dans son antre, autant maintenant il paraissait pressé de la voir partir. Dans la coursive, un peu comme des voleurs, ils progressèrent rapidement, en silence. L'ascension d'une échelle de coupée arracha une grimace à Eugénie. Au moins, Harris ne commit pas l'affront de lui glisser une main
    entre les cuisses.
    La navette attendait au bas de l'échelle, deux jeunes filles s'y tenaient déjà, accompagnées par des officiers. Eugénie resta debout, les yeux résolument tournés vers la surface des flots. Avec une application farouche, elle essaya de ne pas les identifier, de ne pas se laisser reconnaître. Quelques minutes plus tard, sur le quai, le lieutenant suggéra:
    —    Vous pourriez partager une voiture avec ces demoiselles.
    —    Etes-vous fou ?
    Le ton ne tolérait aucune réplique. Un long moment, ils cherchèrent un fiacre. Harris l'aida à y monter. L'exercice provoqua une douleur sourde dans son bas-ventre. Elle était au fond de la banquette quand, après une hésitation qui ne lui échappa pas, son compagnon demanda :
    —    Nous verrons-nous demain ?
    —    ... Oui.
    —    A l'endroit et au moment habituel ?
    Elle acquiesça de la tête, alors que les mots s'étranglaient dans sa gorge. L'homme referma la portière, tendit un demi-dollar au cocher en lui donnant l'adresse. Un moment plus tard, il se retrouva sur le quai en même temps que ses deux collègues, débarqués eux aussi un peu plus tôt avec leur conquête de la soirée.
    —    Ces petites catholiques, remarqua-t-il à haute voix, il faut y mettre les efforts. Mais une fois bien réchauffées...
    Les deux autres affichèrent leur dégoût devant tant de mépris, sans dire un mot toutefois.
    Chapitre 23
    Cette fois, Édouard entraîna son ami Fernand Dupire sur les plaines d'Abraham.
    —    Tu comprends, si nous ne sommes pas bien placés, cela ne servira à rien.
    —    Quant à moi, même bien placé, je perds mon temps.
    Le garçon jeta un regard désabusé à son compagnon,
    laissa échapper un soupir un peu las avant de remarquer :
    —Tout de même, tu ne peux pas être tellement entiché de la copie de contrats de mariage ou de testaments.
    —    Sans doute pas, mais venir contempler la puissance militaire de la fière Albion ne me dit rien, crois-moi.
    Le prince de Galles passerait en revue l'escadre de l'Atlantique Nord ce samedi matin. De nombreux travailleurs désertaient sans doute leur poste, ou alors tous les cultivateurs des environs se passionnaient pour les prouesses navales de la métropole, car cent cinquante mille personnes se massaient encore une fois sur les rives du Saint-Laurent, à la recherche du meilleur point de vue.
    Comme Édouard n'était pas du genre à se lever à quatre heures du matin pour occuper la meilleure place, maintenant il se fiait à son audace pour en obtenir une. En multipliant les «pardon, pardon», laissant derrière lui de nombreux touristes le conspuer entre leurs dents, il marcha jusqu'au bord de la falaise. Son flanc se trouvait déjà occupé par de nombreux casse-cou, mais il repéra tout de suite un coin toujours libre, sous un petit pin rachitique dont les racines s'accrochaient tant bien que mal au roc.
    —Nous serons très bien de ce côté, déclara-t-il en désignant l'endroit du doigt.
    —    Ma foi, tu deviens fou !
    Ce diagnostic ne méritait aucun commentaire. Edouard s'engagea dans la pente raide, s'accrochant aux arbustes tant bien que mal, les genoux pliés afin d'abaisser son centre de gravité. Ce faisant, il déplaça des cailloux qui dévalèrent ensuite la falaise, frappant au passage des spectateurs déjà installés. Fernand, gauche et empoté, suivait avec difficulté, franchissant les passages les plus difficiles sur les genoux. Quand un arbuste céda sous son poids, il glissa de tout son long sur deux ou trois verges, jusqu'à heurter deux jeunes agriculteurs dans le dos, au risque de leur faire dévaler la falaise.
    —Imbécile, faites attention, cria l'un d'eux, prêt à défendre son bout de terrain à coups de poing.
    —    L'imbécile, ou plutôt le fou, c'est le gars là-bas, rétorqua Fernand en pointant Edouard du doigt. Moi, je suis son médecin. Je devrai le ramener à l'asile tout à l'heure.
    Pour une

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