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La belle époque

La belle époque

Titel: La belle époque Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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vie nous expose. Je soupçonne mon père d'être trop sensible pour le métier de médecin. Sa façon d'exprimer son malaise, c'est de partager sa peine avec nous tous. Il nous entretient des malheurs de sa salle à l'hôpital. Aujourd'hui, il a téléphoné à maman pour lui faire part de ses
    inquiétudes.
    —    Cela doit vous rendre un peu anxieuse ? Nous, c'est le commerce. Les catastrophes sont rares.
    —    On s'habitue à tout. Au bout du compte, je me trouve bien chanceuse d'éviter la plupart des écueils de l'existence.
    Très tôt dans la saison, Thomas Picard avait réservé trois billets pour cette représentation. À ce moment, Eugénie figurait déjà dans la distribution du spectacle. Elise bénéficiait aujourd'hui de celui d'Elisabeth. Le couple arriva parmi les derniers, forçant de nombreuses personnes à se lever afin de regagner leur place dans la troisième rangée, à proximité de la grande estrade d'honneur.
    —    Merci de m'avoir invitée, monsieur Picard, salua la jeune fille en tendant la main à son hôte.
    —    Cela me fait plaisir, mais vos remerciements doivent surtout aller à Edouard. De mon côté, je me réjouis simplement de son choix.
    Un moment plus tard, les musiciens cachés dans les bosquets, comme ceux qui se tenaient près des estrades, entamèrent les premières mesures du God Save the King. Les spectateurs se levèrent d'un même mouvement pour entonner l'hymne royal.
    —    C'est le premier ministre, avec le prince ? fit Elise à l'oreille de son ami.
    —    Oui, et le troisième larron, c'est le comte Grey.
    Une fois les augustes personnages assis dans leurs fauteuils, la représentation pouvait commencer. Au moment de l'apparition d'Eugénie sur la scène, Edouard adressa un sourire ironique à sa voisine, puis déclara :
    —    Elle qui rêve de faire de magnifiques rencontres, la voilà servie : le roi François I er .
    —    Oui, mais comme le souverain est son frère, voilà un couple sans avenir.
    Les chansons les plus gaies poussaient les gens à donner de la voix, les pièces de musique les plus graves navraient l'âme. Ce soir-là, une couche de nuages couvrait le ciel, mais rien n'indiquait que la pluie viendrait gâcher les choses. Les comédiens, excités par la présence princière, forçaient un peu leur jeu. Toutefois la distance, tout comme l'indulgence pour tous ces amateurs, conduiraient chacun à affirmer que cette représentation avait été la meilleure.
    Au moment où Elisabeth entra en scène, Thomas constata que sa femme s'en tenait à sa résolution: elle portait une cravache dans sa main gauche.
    —    Ta mère paraît vraiment bien, commenta Elise. Elle fait plus royale que Marie de Médicis.
    —    Avec vingt ans de moins, cela l'aide certainement.
    Par la suite, Édouard s'absorba dans les grands moments
    de l'histoire de la Nouvelle-France, s'émouvant du courage de Tracy tout comme de celui de Frontenac. Le tableau de la Conquête se révéla particulièrement impressionnant, car les cuirassés de l'escadre de l'Atlantique Nord défilèrent lentement sur le fleuve dans la lumière déclinante, au bout de la scène de verdure. Ils lâchèrent une salve de coups de canon afin de rappeler le bombardement sans merci de la ville de Québec en 1759. Sous Ponde de choc, Élise Caron entrouvrit la bouche, écarquilla les yeux. À ce moment précis, Edouard la trouva particulièrement jolie.
    L'apothéose vint avec le défilé des armées de Montcalm et de Wolfe derrière le drapeau rouge et le drapeau blanc, dont les plis s'emmêlaient et s'embrassaient au gré du vent. Les deux généraux s'inclinèrent devant le prince de Galles, alors que là foule acclamait le geste de loyauté des sujets canadiens réunis dans une même nation. A ce moment, les machinistes cachés dans les buissons libérèrent des dizaines de colombes. Ensemble, les deux armées se rendirent ensuite devant le monument de Wolfe, érigé à l'endroit même de la mort du général anglais - ainsi le voulait la légende - afin de présenter les armes au héros.
    La commémoration du mariage des peuples, issu de la défaite ou de la victoire, selon le point de vue, ne pouvait s'arrêter là. Un soldat de l'armée de Montcalm sortit des rangs pour déposer une couronne de fleurs portant l'inscription «À l'honneur de Wolfe» aux pieds de la colonne de pierre. Tout de suite après, un soldat de Wolfe en déposait une seconde, portant les

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