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La belle époque

La belle époque

Titel: La belle époque Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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avec satisfaction que le docteur se portait bien aussi, mais que son devoir le retenait à l'hôpital par ce beau samedi après-midi.
    —    Vous savez, expliqua la bonne dame sur le ton de la confidence, avec toute cette affluence, puis les abus d'alcool, les médecins sont débordés. Deux personnes sont mortes.
    —    Vraiment ?
    —    Un milicien s'est noyé dans la rivière Saint-Charles.
    —    Quelle malchance ! Même à marée haute, en cette saison, je ne pense pas que l'eau atteindrait ma poitrine.
    Madame Caron regarda vers la porte du salon pour s'assurer que sa fille n'entende pas, puis continua tout bas :
    —    Mais ces gens-là, en fin de soirée, ont souvent du mal à se tenir debout.
    —    C'est ce que racontent les journaux, en effet.
    En parallèle aux articles habituellement enthousiastes à l'égard des commémorations, des esprits chagrins soulignaient des événements malheureux dans de petits entrefilets. Le milicien mort noyé au terme d'une soirée bien arrosée ou l'autre, victime d'une insolation, méritaient les plus longs commentaires. Les nombreuses rixes entre des marins et des habitants de la Basse-Ville ne passaient pas inaperçues. Edouard devinait que plusieurs de celles-ci devaient tenir à l'attention soutenue des membres d'équipage pour les jeunes filles de la ville. Le rôle de spectateurs, dans tous ces bals, ne convenait pas à tous.
    —    Et puis, continua l'hôtesse, il y a les imprudences stupides. Des gens grimpent sur les toits ou dans les arbres pour avoir une meilleure vue sur le fleuve. Me croirez-vous, mais quand mon mari m'a téléphoné pour m'annoncer qu'il ne viendrait pas souper, il m'a expliqué que seulement à l'Hôtel-Dieu, six personnes ont été soignées ce matin après avoir déboulé le cap Diamant. Il paraît qu'elles se tenaient sur le flanc de la falaise pour voir le spectacle.
    —    Les gens sont vraiment bien imprudents, ajouta Édouard du ton de celui qui ne ferait jamais une chose pareille.
    Élise apparut à l'entrée de la pièce avant que madame Caron puisse compléter le bulletin de santé de la ville de Québec. Poliment, Édouard se leva.
    —    Nous y allons? demanda le jeune fille. J'ai peur d'avoir été un peu longue à me préparer.
    —    Mais le résultat en vaut la peine, commenta le garçon.
    La mère ne put s'empêcher de penser que ce voisin
    semblait très charmant... et il écoutait si bien. Au moment de les reconduire à la porte, elle déclara :
    —    Nous sommes allés voir le spectacle, la semaine dernière. Vous féliciterez votre sœur et votre mère. Toutes les deux ont beaucoup de talent.
    —Je n'y manquerai pas.
    Madame Caron se révélait bon public, pour apprécier autant le jeu de personnes muettes, présentes sur scène parmi des dizaines d'autres. Elle continua :
    —    Soyez prudents.
    —    Madame, croyez que j'empêcherai Élise d'aller marcher à flanc de falaise, et que je la ramènerai ce soir à votre porte sans une seule bosse ni le moindre bleu. .
    —    Et pas trop tard.
    —    Nous marcherons peut-être un peu si la soirée est
    belle, mais sans exagérer.
    Puis, la mère referma la porte derrière eux en se disant: « Dommage qu'il soit si jeune. »
    —    Si je veux aller me briser les os dans la falaise, vous m'en empêcherez vraiment ?
    —    C'est une promesse.
    Élise tenait son bras. Elle portait une robe blanc cassé, juste un peu échancrée sur la poitrine, un chapeau de la même couleur sur la tête, assez large pour la protéger du soleil. Ce soir, ce serait la représentation de gala, soulignée par la présence du prince de Galles. Les billets, plutôt chers, s'étaient envolés très vite parmi les touristes les mieux nantis et les notables de la ville. En conséquence, même pour un spectacle en plein air, une certaine élégance demeurait de mise.
    —    Maman vous a parlé de tous les accidents qui surviennent depuis dix jours ?
    —    Sans le savoir, j'ai échappé à un grave danger ce matin.
    Le couple marchait sur la Grande Allée, en direction des plaines d'Abraham. Autour d'eux, d'autres personnes se déplaçaient vers la même destination. Tous les soirs de spectacles, comédiens et spectateurs totalisaient ensemble seize mille individus: à l'aller et au retour, cela représentait une petite migration.
    —    Chez moi, à table, nous avons toujours droit à la liste des risques auxquels la

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