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La belle époque

La belle époque

Titel: La belle époque Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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eux-mêmes... occupés.
    Les silhouettes des couples ne permettaient pas de distinguer vraiment les deux personnes, ce qui témoignait d'une proximité physique aussi grande que la leur. Richard Harris fit glisser sa main sur son ventre, pour la serrer contre lui. Elle sentit quelque chose de dur au creux de ses reins, sans l'identifier tout de suite. Le «désir» de l'homme, que les religieuses évoquaient en périphrases alambiquées, c'était cela. Bien sûr, son idée de la chose demeurait bien approximative, et l'inquisition sans délicatesse aucune de son directeur de conscience, au couvent, n'avait rien ajouté à sa science.
    Pour se dérober à ce contact, elle avança jusqu'à buter contre la rambarde, les deux mains sur le tuyau de fer le plus haut. Son compagnon suivit son mouvement, posa sa main gauche sur la sienne, gardant la droite sur son ventre. Il esquissait une caresse qui amenait le bout de ses doigts dangereusement loin sous le nombril, pour remonter ensuite au point d'effleurer un sein, d'en agacer la pointe. Ses lèvres parcouraient le cou gracile, le visage perdu dans des boucles blondes.
    Eugénie se raidit avec un hoquet de noyée, chercha à se dégager. Les joues en feu, elle murmura d'une voix hésitante :
    —    Allons danser.
    «Une heure encore... » songea le lieutenant. L'attente ne serait pas si déplaisante. À leur retour sous la grande bâche, il préféra demeurer un peu à l'écart, pour la serrer de près le temps de quelques valses. La gorge sèche à cause de l'émotion, Eugénie accepta les flûtes de champagne qu'il lui tendait en se promettant de juste y tremper les lèvres. À ce jeu, elle en vida pourtant trois autres.
    —    Puis-je vous faire visiter le navire ? susurra-t-il bientôt dans son oreille.
    —    J'ai vu l'autre...
    —    Mais celui-ci est mieux. J'y habite la majeure partie de l'année. Vous ne me permettrez pas de vous faire les honneurs de ma demeure ?
    Elle s'accrocha au bras offert, commenta sottement :
    —    Cela doit être terriblement ennuyeux, tous ces mois en mer.
    —    Vous savez, traverser l'Atlantique prend une semaine, huit jours tout au plus. Le Pacifique, à peine deux. Nous ne
    restons pas si longtemps sans toucher terre.
    Au moment de descendre l'échelle de coupée, il passa devant elle, tendit la main pour l'aider.
    —    Vous avez traversé le Pacifique, répéta-t-elle, un peu admirative.
    Elle se retint d'évoquer les territoires des païens, la Chine et le Japon, un sujet sur lequel les religieuses se montraient prolixes.
    —J'ai fait plusieurs fois le tour du monde.
    L'homme révélait là une demi-vérité. L'escadre de l'Atlantique Nord patrouillait les parages septentrionaux de l'Europe. Si les trajets mis bout à bout représentaient une grande distance, les ports froids et gris ne faisaient pas le poids face aux destinations exotiques de l'Asie.
    Eugénie n'aurait pas su trouver son chemin dans les entrailles de fer de ce navire. Après avoir descendu quelques échelles, elle dut en monter une autre. En vertu des usages, elle s'engagea la première : l'homme devait toujours se tenir un peu plus bas, pour faire un rempart de son corps en cas de chute. Cela procurait parfois un point de vue enviable. Quand les fesses de la jeune fille furent à la hauteur de ses yeux, il tendit la main pour la placer entre ses cuisses, l'enfoncer dans les plis du tissu et la remonter jusqu'à ce que ses doigts rencontrent la jonction de celles-ci.
    L'audace du geste coupa le souffle de sa compagne. D'instinct, elle serra les jambes, enfermant la main immobile dans un piège tiède et moite. Puis elle continua son ascension, chancelante.
    —    Où sommes-nous ? parvint-elle à articuler une fois dans un nouveau couloir.
    —    Chez moi, je vous l'ai dit.
    Sur ces mots, l'homme ouvrit une porte métallique étroite et basse, puis continua :
    —Voici le logis que m'offre le roi Edward VII.
    La cabine mesurait peut-être sept pieds sur quatre, sans autre ouverture que la porte. Une couchette surélevée, sous laquelle devaient loger tous les effets de l'officier, en occupait la moitié. Une minuscule table fixée au mur du fond, quelques livres disposés sur les deux tablettes placées juste au-dessus, complétaient l'aménagement.
    —    C'est petit, fit-elle remarquer, son attention un instant détournée des mauvais touchers.
    —    Croyez-moi, c'est ..infiniment plus grand que les couchettes

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