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La belle époque

La belle époque

Titel: La belle époque Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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basketball, couraient, sautaient, roulaient à bicyclette sans risquer de ruiner une jupe dans l'engrenage, se livraient à des exercices de gymnastique avec ou sans appareils. Pire, dans les milieux canadiens-anglais, des collégiennes jouaient au hockey !
    Quand les spectateurs se furent un peu calmés, Edouard étala sa culture :
    — Les Boston Bloomer Girls ont affronté les Mascottes de Montréal en 1902. L'année suivante, ce furent les Chicago
    Bloomer Girls.
    —    Qui a gagné ?
    —    Les hommes, chaque fois.
    Le garçon paraissait un peu déçu. Les visiteuses regagnèrent leur banc. Ce fut au tour de l'équipe locale de faire le tour du terrain. Les Rock City, des hommes évidemment, affrontaient toutes les équipes de l'est du Québec désireuses de se livrer à l'exercice lors d'un dimanche d'été. Elles venaient de Lévis, de Rivière-du-Loup, de Rimouski. Une fois l'an au moins, une équipe américaine faisait le voyage vers le nord : l'affluence augmentait alors dans le petit stade, tout comme les prix d'entrée.
    —    Rock City, c'est la compagnie qui fabrique des cigarettes tout près d'ici? questionna encore le fils de notaire, décidément peu au fait de l'actualité sportive.
    —    Nous sommes passés devant l'usine en venant ici. Pour le propriétaire, c'est une façon de faire de la réclame. Il paie les uniformes, comme il a assumé aussi l'essentiel du coût de construction de ce stade. En contrepartie, tous les dimanches, les gens du quartier, et bien des notables de la Haute-Ville, viennent s'extasier devant les joueurs qui portent les couleurs de l'entreprise. Tous les lundis, les journaux publient les résultats des joutes.
    —    Les joueurs sont ses employés ?
    —    La plupart, mais pas tous. Comme la compétition devient plus vive, chaque équipe se montre prête à utiliser les meilleurs joueurs, quels que soient leurs emplois.
    —    Ils sont payés pour jouer ?
    Décidément, la passion du notariat habitait ce grand garçon un peu obèse, au point de lui faire négliger les aspects les plus séduisants de la vie moderne.
    —    Nous ne sommes pas aux Etats-Unis, avec des équipes formées de joueurs professionnels. Ici, la plupart jouent pour le plaisir, avec pour seul avantage celui de se faire régulièrement payer une bière à la taverne du coin, par des admirateurs, sans compter l'affection des jeunes filles sensibles aux prouesses athlétiques. Au mieux, peut-être reçoivent-ils parfois un dollar ou deux offerts par le propriétaire de l'équipe. Mais je ne serais pas surpris si le meilleur lanceur, Roméo Demers, recevait une rémunération plus substantielle, afin de cultiver sa fidélité aux Rock City.
    La première manche était commencée. Une grande brune prénommée Maud lançait la petite balle avec une force et, surtout, une précision étonnantes. Elle portait des chaussures de cuir solidement lacées et des bas noirs couvraient ses mollets. Ses bloomers, attachés sous les genoux, rappelaient à tous ces catholiques le curieux uniforme des zouaves pontificaux qui maintenaient l'ordre dans les églises. Amples, noirs, ceux-ci ne révélaient rien de plus que la jupe habituelle, mais ils autorisaient une liberté de mouvement nouvelle pour les femmes. Sur la chemise, noire elle aussi, peu ajustée, une étoile blanche brodée au-dessus du sein gauche rappelait le nom de l'équipe. Cet uniforme laissait les bras nus jusqu'au coude: seule cette caractéristique pouvait paraître un peu suggestive à certains. Une casquette vissée sur le crâne empêchait ses cheveux longs de nuire à sa vision.
    — Perdent-elles toujours ? questionna encore Fernand en regardant des joueuses de champ courir après une balle roulante.
    Cela aussi titillait le désir des hommes, ces femmes aux corps visiblement robustes galopant dans l'herbe, les seins décrivant un mouvement de haut en bas. Elles laissaient deviner beaucoup de vivacité, dans un grand éventail de jeux...
    —    Elles perdent de justesse, et gagnent parfois.
    —Je suppose que leurs opposants ne veulent pas les ridiculiser. Elles feraient mieux de jouer entre elles, ou mieux encore, de ne pas jouer du tout.
    Voir des membres du sexe faible se livrer à des exercices aussi violents paraissait tout à fait inconvenant à Fernand. Quant à se mesurer à des hommes, cela lui semblait carrément scandaleux.
    —    Il n'y a pas assez d'équipes féminines pour cela, précisa

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