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La belle époque

La belle époque

Titel: La belle époque Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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plus sa tignasse noire, puis répondit sur le même ton :
    —    Si tu étais différent, je me serais retrouvée chez les sœurs de la Providence il y a onze ans, et Mathieu dans un orphelinat. Je ne l'oublie pas.
    —Je voudrais bien me passer de... Mais je n'y arrive pas.
    En lui adressant un sourire dépité, Marie songea qu'elle devait bien s'y résoudre, elle.
    L'édifice majestueux de l'Assemblée législative dressait sa masse grise au coin de l'avenue Dufferin et de la Grande Allée depuis une trentaine d'années. La façade s'ornait de plusieurs statues de bronze, la plus imposante représentant un groupe d'Amérindiens et les autres ; des personnages historiques illustres, la plupart de l'époque de la Nouvelle-France. Le samedi 12 octobre à la fin de l'après-midi, le personnel politique et les élus se rencontrèrent dans le Salon vert, la salle des débats des députés, pour une petite cérémonie qui trouverait écho dans tous les journaux le lundi matin.
    Les premiers rangs des pupitres des ministres offraient un assortiment complet de boissons et les représentants du peuple se tenaient sur le parquet, un verre à la main. Au milieu d'eux, un homme rondouillard, le visage encadré par de larges favoris, commença par s'éclaircir la voix, puis déclara avec un accent chantant :
    —    Messieurs, même si je ne réside dans votre beau pays que depuis quelques mois, j'ai pu apprécier déjà les grandes qualités de monsieur Lomer Gouin, le premier ministre de la province de Québec.
    Devant l'orateur, un petit homme se tenait tout droit. Gouin avait accédé au poste de premier ministre à la suite d'un coup d'Etat tranquille ayant permis d'en chasser Simon-Napoléon Parent. Ses jambes grêles, son tronc comme une barrique de vin, sa tête ronde, disproportionnée sur son petit corps, ne lui permettaient pas de séduire les foules. De plus, un ton ennuyeux n'ajoutait guère à son charme. Cependant, son esprit analytique, sa connaissance approfondie des dossiers et son autorité sur le parti constituaient la meilleure promesse d'une longue carrière.
    Le consul Henri Dallemagne continua :
    —    Aussi, c'est avec un plaisir extrême que je me fais l'interprète de monsieur Armand Fallières, le président de la République française, au moment de remettre à notre ami la croix de la Légion d'honneur.
    L'homme fit un pas, fixa la petite croix du côté gauche de la poitrine du politicien, alors que tous les témoins de la scène applaudissaient. Bien sûr, les soixante-sept députés libéraux y mettaient tout leur cœur, alors que les sept élus conservateurs affichaient une retenue évidente.
    Après l'accolade républicaine, Dallemagne reprit bientôt la parole pour expliquer :
    —    Cette distinction vient récompenser vos réalisations, déjà nombreuses si l'on pense aux quelques années qui se sont écoulées depuis votre arrivée à la tête de la province. En particulier, le gouvernement de la République entend souligner les progrès que vous avez réalisés dans le domaine scolaire. Seulement cette année, vous avez posé la première pierre de l'École des hautes études commerciales, de l'Ecole technique de Québec et de celle de Montréal. Ces remarquables institutions permettront aux Canadiens français de participer, comme chevaliers d'industrie ou comme techniciens, à l'essor important que connaît présentement votre pays.
    Les deux écoles techniques, en particulier, retenaient l'attention de tous les journalistes par leur caractère monumental, pharaonique, affirmaient les adversaires des libéraux. Rue Sherbrooke, à Montréal, l'établissement s'ornait d'une magnifique colonnade. A Québec, boulevard Langelier, tout près de l'Hôpital général, l'édifice très élégant s'étendait sur un immense terrain.
    —    Ces institutions illustrent bien l'esprit d'ouverture de votre gouvernement, puisque les deux écoles techniques accueilleront des élèves de langue anglaise et de langue française.
    En d'autres mots, cela signifiait que ces établissements recevraient les élèves sans égard à leur religion. En conséquence, ils échapperaient au contrôle des comités catholique et protestant, on n'y dispenserait pas d'enseignement religieux et aucun aumônier n'y mettrait les pieds.
    Thomas Picard tenait de ses étroites relations avec le parti au pouvoir le privilège de se trouver dans un coin de la grande salle, près du fauteuil de l'orateur de la

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