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La belle époque

La belle époque

Titel: La belle époque Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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j'aimerais quelque chose de moins... voyant.
    Pendant quelques minutes, Élisabeth examina des patrons venus aussi de Paris, arrivés une ou deux semaines plus tôt. A la crinoline démodée, elle préféra un fourreau de soie et un chemisier boutonné haut. Madame Delasorne utilisa le ruban qu'elle portait autour du cou pour prendre les mensurations de la jeune femme. Elle en était aux jambes, à genoux sur le sol, quand elle remarqua :
    —    Ces chiffres indiquent que vous êtes choyée. Vous êtes certaine de tenir à une tenue aussi sage ?
    —    Certaine. La personne à qui je veux plaire, je l'ai déjà séduite. Quant aux autres...
    —    Taisez-vous, sinon vous ferez des jalouses, rétorqua son interlocutrice en riant.
    La couturière inscrivit les dernières indications dans son carnet. Elle fit signe à Eugénie qui, dans un coin, affichait une moue boudeuse, de s'approcher d'elle.
    —    Comme je suis déjà au sol, je commencerai par vos jambes et continuerai vers le haut.
    L'ouvrière procédait avec célérité, alors qu'une mère et sa fille faisaient déjà antichambre dans la petite pièce voisine. Au moment de prendre la mesure de la poitrine, elle demanda encore :
    —    Vous êtes certaine, pour la pièce de mousseline ?
    Un regard fâché la convainquit d'abandonner le sujet. Un moment plus tard, elle les congédia en disant :
    —    Venez faire un essayage dans dix jours. Quitte à m'y attacher jour et nuit, j'aurai fait un premier assemblage.
    —    Ce bal doit s'avérer propice aux affaires ? demanda Élisabeth en se dirigeant vers la sortie.
    —    Peut-être ai-je seulement l'achalandage de Noël un mois plus tôt. Mes robes servent habituellement plus d'une fois.
    La jeune femme se dit que ce serait certainement le cas pour elle. Son mari la trouverait bien raisonnable.
    Quand Thomas Picard réussissait à se libérer des bons de commande, des factures et des livres de comptes, c'était pour parcourir les rayons du grand magasin. Ses visites, toujours à l'improviste, lui permettaient de se faire une bonne idée de l'état de son commerce. Le samedi 9 novembre, il trouva les choses en bon ordre. Bien que la très grande majorité des hommes soient au travail, l'endroit regorgeait de clients, souvent des agriculteurs descendus le matin à l'une des deux gares proches. Avant la fin de la journée, ils reprendraient le chemin de la maison.
    Toutefois, les femmes demeuraient les plus nombreuses. Chargées du soin de la maison et souvent responsables de la gestion des ressources du ménage, la corvée des achats leur revenait. Elles se montraient particulièrement bourdonnantes dans le rayon pour enfants, et les quelques hommes paraissaient totalement perdus dans ces parages. Le commerçant aperçut une silhouette masculine familière, s'approcha pour déclarer, un peu narquois :
    —    Fulgence, que faites-vous dans ce département?
    Le petit homme se retourna, commença en bégayant :
    —    Monsieur Picard, tout va bien aux ateliers. J'ai cru pouvoir m'absenter...
    —    Ce n'est pas ce que je voulais dire. Certains jours je vous retiens jusqu'à neuf heures du soir, alors vous devez bien trouver un moment pour faire des courses. Je m'étonnais juste de vous voir au milieu des vêtements pour bébé.
    Le rouge monta aux joues du petit homme qui commença en hésitant :
    —Je... je vous présente ma femme, Thérèse.
    Une dame blonde, plutôt grande, de deux bons pouces de plus que son époux en fait, à la taille un peu forte, balbutia un «Bonjour» timide. Comme il arrivait parfois dans les couples canadiens-français, Fulgence avait déniché une femme qui lui en imposait physiquement... Ou était-ce le contraire ?
    —    Madame Létourneau, je ne vous reconnaissais pas. Il est vrai que nous avons si peu d'occasion de nous rencontrer.
    En réalité, seul le pique-nique annuel des employés des entreprises Picard permettait des rapprochements de ce genre. Le commerçant tendit la main, serra celle de Thérèse Létourneau en disant :
    —    C'est toujours un plaisir de vous voir. Si je vous trouve ici, cela signifie-t-il que vous attendez un événement heureux?
    La femme se troubla, rougit violemment. Fulgence prit sur lui de répondre :
    —    Malheureusement non. Vous nous surprenez au moment où nous nous abandonnons à une curieuse manie : venir voir des vêtements pour bébé, afin de nous porter chance.
    Un peu comme Edouard,

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