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la Bible au Féminin 03 Lilah

la Bible au Féminin 03 Lilah

Titel: la Bible au Féminin 03 Lilah Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Halter,Marek
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entre les fils.
    Voilà bientôt une quinzaine d’années que Sarah, à la suggestion de son époux Mardochée, avait ouvert son atelier. Aujourd’hui, elle en connaissait chaque grain de poussière. Au seul bruit des navettes, des règles ou des aiguilles, elle savait si l’on y travaillait bien ou mal.
    Bien que ce fût une grande astreinte, Sarah surveillait elle-même, et minutieusement, la progression des ouvrages. Chaque jour, elle apparaissait à l’improviste, tantôt le matin, tantôt l’après-midi.
    La douceur de son apparence, la paisible rondeur de ses formes et de son visage s’accordaient avec une partie de son caractère. Elle s’énervait rarement, et seulement quand la même faute se répétait entre les mêmes mains. Le plus souvent ses doigts frôlaient gentiment une épaule ou une nuque. Ou caressait une joue, celles des toutes jeunes, les nouvelles que l’atelier intimidait et qu’un peu de bienveillance encourageait à oublier la douleur de leurs doigts et de leurs reins.
    Par exception elle formulait un compliment. Mais les compliments n’avaient de valeur que par leur rareté. Rien n’était pis qu’une excellente ouvrière qui devient trop fière d’elle-même. Un triste gâchis, pareil à ces merveilleuses pêches du Zagros qui parvenaient à Suse-la-Ville au mois d’éloul. Bien mûres, certes, mais à dévorer dans l’instant car déjà sur le point de se gâter.
    Quant aux vieilles tisserandes, Sarah n’en voulait pas. Elles avaient, certes, l’expérience d’une longue pratique, mais plus encore de mauvais caractères. En vérité, il en allait du corps comme de l’esprit : pour la souplesse, rien ne valait la jeunesse.
    On devait choisir des filles avec le goût d’apprendre et d’obéir. Il en fallait aussi quelques-unes avec autre chose qu’une graine de lentille dans le crâne. Mais toutes devaient savoir obéir.
    Un atelier de cette réputation ne se menait pas sans autorité. Sous les sourires, la bouche de Sarah savait être cinglante et son regard impitoyable. Et ceux des fournisseurs, marchands de laine ou des innombrables outils indispensables, que ses rondeurs toujours élégamment mises en valeur portaient à la rêverie, apprenaient vite à s’en défier lorsque l’heure des comptes arrivait.
    Une bonne part des tapis et nattes produits par Sarah servaient à embellir les bancs des chars construits par son époux. Mais elle pouvait réaliser bien d’autres ouvrages : tapis et nattes à la mode de Judée, de Médie ou de Parsumah, de Lydie ou de Susiane. Désormais, il n’était guère de noble famille de Suse-la-Citadelle, de Babylone ou d’Ecbatane qui ne possédât un article sorti de l’atelier de Sarah, femme de Mardochée et fille de Réka.
    Après les bons repas du soir, arrosés de bière de palme, riant et se voilant la bouche de ses doigts potelés, Sarah aimait dire qu’elle avait au moins un point commun avec le Roi des rois : son atelier aussi régnait sur toutes les régions de la grande Perse. Que l’Éternel lui pardonne cette vanité !
    Aujourd’hui, cependant, elle avait la tête ailleurs.
    Lilah, sa nièce, n’était toujours pas revenue de la ville basse.
    Qu’avait-elle besoin de scruter la cour pour le savoir ? Les roues du char feraient bien assez de bruit sur le pavement pour qu’elle l’entende.
    S’obligeant à accorder toute son attention au travail, elle demanda à une jeune femme longue et mince qui la suivait avec respect, à deux ou trois pas derrière elle :
    — Hélamsis, as-tu fait le compte des nattes achevées ce matin ?
    — Oui, maîtresse. Cinq. Elles sont à leur place sur le chevalet.
    Hélamsis montra le fond de l’atelier. Sarah s’y dirigea en ajoutant sèchement :
    — As-tu vérifié qu’elles sont à la bonne taille ? La réponse d’Hélamsis se perdit dans les claquements des navettes et des règles. Sarah ne lui demanda pas de répéter. Hélamsis savait que c’était inutile. Lorsque sa maîtresse était de cette humeur, mieux valait la suivre avec calme et acquiescer le plus souvent possible. Hélamsis pourrait jurer sur la colère d’Ahura-Mazdâ que chacun des tissages possédait parfaitement la longueur et la largeur souhaitées, Sarah n’en irait pas moins vérifier par elle-même.
    Ce qu’elle se mit à faire méticuleusement avant de replacer les nattes sur le chevalet avec un soupir. Il n’y avait rien à redire, elles étaient parfaites.
    Sarah allait demander

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