la Bible au Féminin 03 Lilah
du Temple ne seraient pas redressés si Yhwh l’avait voulu ?
— Voilà l’erreur, renchérit la voix toujours égale d’Ezra. Néhémie est parti redresser des murs. Yhwh ne l’a pas soutenu. Pourquoi ? Parce que ce ne sont pas seulement les murs de Jérusalem qu’il faut redresser, Zacharie.
— Oui, murmura Zacharie. Le Temple aussi et…
— Ce sont des cœurs et des pensées qui ont fendu les murs du Temple, fit Ezra d’une voix cette fois plus forte. Ce sont des cœurs et des pensées qui ont permis à Babylone de réduire la terre de Judée en poussière. Ce sont donc des cœurs et des pensées qu’il faut redresser avant de relever les pierres des murs.
Il y eut un silence. Puis, d’une voix sourde, Zacharie murmura :
— Tu as raison, Ezra. Le proverbe le dit bien : « Les pères mangent le raisin vert et les fils en ont les dents agacées ! »
Le rire d’Ezra fut presque un cri, acide et dur :
— Ah, Zacharie ! Non ! Tu te trompes. Toi, les tiens et tous ceux de l’exil qui allez en gémissant sur le temps passé. Vous laissez l’ignorance vous guider ! N’avez-vous plus le souvenir de la parole d’Ézéchiel à Babylone ? « Toutes les vies appartiennent à Yhwh ! La vie du père Lui appartient comme la vie du fils, car Yhwh est justice. Il ne condamne pas le fils pour la faute du père. Au contraire, si le fils est sans faute, Il la fait fructifier. Celui qui vit dans la Loi de Yhwh vit sans crainte, le sang du père ne tombe pas sur le fils, la faute du père ne coule pas dans les veines du fils. » Voilà la justice que Yhwh a enseignée à Moïse, Zacharie. Et, si aujourd’hui Yhwh ne permet pas que Jérusalem soit redressée, c’est que nous ne vivons pas selon Ses décrets. Nous tous, Zacharie. Toi, moi, les tiens, ceux de l’exil comme ceux qui se prétendent fils d’Israël, là-bas, à Jérusalem.
Lilah crut entendre un gémissement. Les trois hommes se tinrent silencieux un long moment. Lilah allait s’écarter du mur et se présenter sur le seuil de la pièce, lorsque Zacharie déclara d’une voix émue :
— Tu dis le vrai, Ezra. Voilà pourquoi moi et les miens, nous nous tournons vers toi. Voilà pourquoi je viens te voir en te disant : « Conduis-nous, nous te suivrons. »
Ezra eut un grognement irrité.
— Ce n’est pas vers moi que vous devez vous tourner, mais vers la Parole de Yhwh. C’est Elle qui vous conduira. Vous n’avez pas besoin de moi pour cela.
— Oh que si ! Nul mieux que toi ne connaît les rouleaux de Moïse. Maître Baruch le dit lui-même. Interroge-nous, Ezra ! Tu n’entendras que des balbutiements. Tu m’expliques une chose, j’en comprends une autre. Tu viens de t’en rendre compte.
— Faites comme moi. Faites comme maître Baruch. Prenez les rouleaux, lisez et apprenez. Il n’y a rien d’autre à faire.
— Comment veux-tu que l’ignorant apprenne ce qu’il ignore, si on ne guide pas son esprit et son cœur ? objecta Zacharie avec feu. Comment nous tourner vers les paroles de l’Éternel si maître Baruch et toi vous ne nous en éclairez pas le sens par votre étude ?
— Zacharie ! gloussa maître Baruch d’un ton moqueur. Tes paroles sont un miel pour l’orgueil. Mais je ne conseille à personne d’affronter un trop long voyage avec ma lumière. Comme tu le vois, je ne suis plus qu’un lumignon sans huile.
Le vieux maître laissa fuser son drôle de rire avant de lancer d’une voix forte :
— Lilah, ma colombe, depuis quand crains-tu de nous déranger ? Cesse de te cacher derrière la porte et viens près de nous.
*
* *
L’entrée de Lilah dans la pièce plongea Ezra et son visiteur dans l’embarras. Zacharie osait à peine lever les yeux sur elle, mais maître Baruch l’accueillit avec tant d’effusion et de bonne humeur qu’ils ne purent maintenir le sérieux de leur discussion.
Un instant plus tard, Zacharie s’en fut avec la promesse qu’il serait le bienvenu aussi souvent qu’il le voudrait.
Quand la porte de la cour se fut refermée, maître Baruch soupira, mi-sévère mi-moqueur :
— Tu as entendu, ma colombe : ce Zacharie a mauvaise conscience ! Assurément, il est ignorant et, assurément, il serait plus utile à Jérusalem qu’à gémir par ici ! Ils sont des dizaines comme celui-ci à admirer ton frère. Mais l’admiration, si elle est douce aux oreilles, ne mène pas au savoir, et encore moins au courage.
Lilah se tourna vers
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