la Bible au Féminin 03 Lilah
n’a rien interdit ni exigé ?
— Non, répondit Lilah.
Elle soutint son regard, eut un sourire tendre, amusé, même.
— La reine a une haute opinion d’Antinoès, héros du Roi des rois. Elle a l’intention d’en faire un grand de la Citadelle.
— Qu’Ahura-Mazdâ m’en protège ! s’écria Antinoès. Voilà une admiration dont je me passerais !
— Et pourquoi donc ? s’exclama Sarah. Tu devrais plutôt t’en réjouir.
Sarah renversa une cassette devant eux. Les colliers et bracelets que Lilah avait portés au palais tintèrent sur la table.
— Regarde : de l’or, de l’argent et même des pierres de lapis-lazuli ! La reine offrirait-elle tous ces bijoux à Lilah si elle pensait à mal ?
Antinoès siffla entre ses dents :
— Il y a moins d’une année, Parysatis a offert des bagues à l’épouse de l’un de ses neveux. Une bague pour chacun de ses doigts. Ensuite, elle a ordonné à ses eunuques de trancher les mains de cette pauvre femme.
Ses lions s’en sont nourris, avalant les bijoux avec les os. Comme la jeune femme hurlait de douleur, Parysatis lui a fait boire une potion qui lui a calciné la gorge. Ainsi a-t-elle pu, sans être dérangée par ses cris, la voir mourir lentement en se vidant de son sang.
— Dieu du ciel !
Un frisson qui n’était pas dû à la fraîcheur de l’orage passa sur eux. Ils n’osaient plus se regarder les uns les autres et encore moins lever les yeux vers Lilah.
Celle-ci s’inclina pour poser la main sur la cuisse d’Antinoès avec un petit rire doux et chaud.
— Allons, ne nous effraie pas plus qu’il n’est besoin. Nous savons tous ce que vaut la reine. Mais, pour l’heure, elle ne m’a rien tranché et ses lions m’ont semblé repus. Elle était curieuse de voir une jeune Juive. Cela n’a rien de bien extraordinaire.
Antinoès croisa son regard. Il approuva avec un peu de réticence.
Mardochée marmonna :
— Une jeune Juive qui sera bientôt l’épouse d’un grand Perse. Mon avis est qu’il ne faut plus tarder à célébrer vos noces. Antinoès est allé voir Ezra. Mais tant pis pour Ezra !
Lilah se raidit. Elle ôta sa main de la cuisse d’Antinoès, la bouche durcie.
— J’ai pensé qu’il était de mon devoir de lui parler, dit doucement Antinoès.
— Et cela s’est passé comme tu peux l’imaginer, soupira Mardochée. Il a traité Antinoès en étranger. Quelle honte !
Antinoès sourit pour adoucir la critique.
— Ezra est célèbre dans la ville basse. Ce sont les enfants qui m’ont guidé jusqu’à sa maison. Le char et l’escorte ont beaucoup impressionné.
— Oh, certainement ! fit Lilah sur un ton glacial. Un char de guerre avec escorte, un officier en armes, je ne doute pas que tu aies impressionné.
— Lilah ! protesta Sarah.
— Il était inutile de dresser Ezra contre toi plus qu’il ne l’est déjà, dit encore Lilah à Antinoès.
— Lilah, intervint Mardochée avec impatience, peu importe ce que pense Ezra. Tu n’as pas besoin de son accord pour épouser Antinoès, puisque tu as le mien. C’est tout ce qui compte.
— Oh, oui ! renchérit Sarah. C’est bien suffisant. Je suis certaine que c’est la loi. Ezra ne pourra rien trouver à y redire.
— Ce qui est important, c’est de se dépêcher avant que la reine ne change d’avis. Ezra se fera une raison.
Ni Lilah ni Antinoès ne semblaient écouter Sarah et Mardochée. Ils s’observaient. Antinoès aurait voulu expliquer pourquoi il avait eu besoin de voir Ezra. Et qu’il avait pris soin de conférer à sa visite autant de simplicité qu’il se pouvait. Mais le visage de Lilah le réduisait au silence. Sa beauté était intacte, malgré la fatigue qui tendait ses joues et ses tempes et pinçait sa bouche. Cependant demeurait dans ses yeux cette drôle de flamme qui y brillait depuis son retour de chez la reine mère. Une flamme de glace, violente et calme à la fois, et qui lui était inconnue.
Puis ses paupières s’abaissèrent. Antinoès eut l’impression que Lilah s’en allait très loin de lui. Cela aussi était une sensation inconnue.
Alors que Mardochée parlait encore, Lilah se leva. Antinoès l’imita aussitôt, sans oser la toucher.
— Non, mon oncle, dit Lilah avec calme. Je sais que tu ne penses qu’à mon bien, mais les choses ne peuvent se passer ainsi. Pour Parysatis, il importe peu qu’Antinoès soit déjà mon époux ou pas. Ce que nous ferons, elle pourra le
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