la Bible au Féminin 03 Lilah
couloirs d’ombre.
Un instant plus tard, Lilah découvrait Sogdiam dans la cuisine, recroquevillé devant les dernières braises de l’âtre. Malgré la couverture dont Axatria l’avait recouvert, il claquait des dents, les mains serrées autour d’un gobelet brûlant de tisane.
Il voulut se lever à leur arrivée. Ses mauvaises jambes engourdies le portèrent à peine. Lilah et Axatria se précipitèrent pour qu’il ne tombe pas.
— Il errait dans la ville depuis la fin du jour, expliqua Axatria.
— Il fallait bien que je me cache avant d’arriver ici, grogna Sogdiam en tirant la couverture sur sa tête. Sinon, les gardes m’auraient attrapé. Avec mes mauvaises jambes, aucune chance de passer inaperçu.
— Il est arrivé quelque chose à Ezra ? interrogea Lilah.
— Non, non, protesta Sogdiam. Ezra va bien. Je viens à cause de maître Baruch. C’est lui qui ne va pas bien.
— Qu’a-t-il ?
Axatria, d’autorité, ordonna :
— Laisse-le boire sa tisane, qu’il se réchauffe un peu, sinon il va prendre mal. Je vais lui chercher une tunique sèche. La sienne n’est qu’un glaçon.
*
* *
— Au début, expliqua Sogdiam en reprenant vigueur, au début je ne me suis rendu compte de rien. Maître Baruch me faisait foule de compliments sur ma cuisine, il me demandait un peu plus de ceci, un peu plus de cela. Et moi, je donnais, tout content. Je pensais : « Tiens, maître Baruch a bon appétit et il aime drôlement mes plats ! » Je lui cuisinais des poissons, des boulettes au millet, des galettes d’orge fourrées de pigeons farcis, d’olives et de dattes… Oh, je t’assure, de la bonne cuisine ! Des recettes que j’ignorais, mais si bonnes qu’on apprend vite. Une recette pousse à en inventer une autre, puis une autre… Maître Baruch mangeait tout, il ne laissait rien. Et, si Ezra n’aimait pas ou s’il n’avait plus faim, lui, il mangeait encore ! Bien sûr que je trouvais ça étrange, mais tu sais comment est maître Baruch. Il n’y a pas plus bizarre caractère que lui. Un jour le rire, un autre jour sans desserrer les lèvres ou les paupières. Un jour grognon, un jour où il parle toute la journée. Il y a quatre nuits, je me suis réveillé en l’entendant gémir. Pour avoir mal, il avait mal. J’ai attendu qu’Ezra m’appelle pour l’aider à le soigner, lui bouillir des herbes, comme vous m’avez appris. Que non, ils ne m’ont rien demandé. Maître Baruch ne voulait pas. Je suis resté comme un idiot dans le noir à les entendre se disputer. Ezra disait : « Tu te rends malade, mon maître. Et je sais pourquoi. Tu vas contre la volonté de Yhwh. Je le sais. » Maître Baruch lui répondait entre deux gémissements : « Ne te vante pas, mon garçon. Tu ne sais rien du tout. À part ton orgueil, tu ne sais rien. Moi je suis vieux, et les vieux sont malades à en mourir, voilà tout. » Ezra protestait encore : « Tu ne peux pas te rendre malade comme tu le fais, mon maître, la Loi l’interdit. Sogdiam va te soigner ! » Et maître Baruch de lui rétorquer : « Reprends donc ton étude ! Tu perds du temps, Ezra. Tu ne devrais pas être là à interrompre ton sommeil pour t’occuper d’un vieillard. Il n’y a qu’un sot ignorant pour se livrer à pareille occupation ! » Bon… Ils se sont disputés comme ça pendant des heures… Le matin, quand je suis allé voir maître Baruch, il était épuisé. Pour dire la vérité, j’ai cru qu’il était mort. Ezra en était tout retourné. Incapable de faire son étude. Il a renvoyé Zacharie et les autres qui se présentaient dans la cour, comme presque chaque matin. Moi, j’ai quand même préparé une tisane pour le ventre de maître Baruch. Quand j’ai posé le gobelet à son côté, il s’est refusé à boire, et vous ne devinerez jamais ce qu’il m’a dit !
Les yeux de Sogdiam, brillants d’excitation, glissèrent de ceux de Lilah à ceux d’Axatria, pour revenir se fixer sur le visage de Lilah.
— Il a dit : « Sogdiam, mon garçon, si tu veux être un bon Juif, confectionne-moi un beau pain d’orge fourré avec des œufs de pigeon, de la semence de poisson, des abats d’un agneau tué selon la règle de Yhwh, des oignons, beaucoup d’ail et du lait caillé. » Voilà ce qu’il a dit. Après une nuit pareille !
— Et tu l’as fait ? demanda Axatria après un petit temps.
— Non. Pas possible. Comment trouver les abats d’un agneau tué selon
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