la Bible au Féminin 03 Lilah
lorsqu’un coup de griffes déchirait la peau de ses poignets. Sa tunique blanche et fine, identique à celle que Lilah lui avait vu porter lors de sa précédente visite, était maculée de minuscules taches de sang. Elle ne sembla pas entendre l’annonce de l’eunuque lorsque Lilah franchit la portière de tapisserie.
Celle-ci avança à une dizaine de pas de Parysatis et se prosterna, les paupières closes.
Quand elle se releva, Parysatis l’observait. Une longue, une interminable observation, tandis que les chatons, énervés, cherchaient ses mains pour jouer, s’agrippaient à sa tunique, griffant ses cuisses et son ventre.
Un instant, leurs pas étouffés par les tapis, les servantes et les eunuques se déplacèrent dans la pièce, nourrissant le feu et les brûle-parfum. Puis ils disparurent. Il ne demeura que deux eunuques de la garde devant la portière. Lilah n’osait faire un mouvement malgré l’ankylose qui la gagnait.
Parysatis la détaillait encore, indifférente aux chatons qui s’étaient soudain lovés entre ses cuisses. Ses yeux étaient si fixes, ses prunelles si agrandies, que Lilah se demanda si elle n’avait pas absorbé une drogue.
Puis, sans crier gare, Parysatis rejeta les chatons à travers la pièce. Ils poussèrent des miaulements de fureur tandis que la reine se tournait sur le côté, cessant d’observer Lilah.
Elle tira une peau de léopard sur ses épaules et, sur un ton égal, déclara :
— Eh bien, je savais que tu ne manquais pas d’aplomb. Mais m’adresser une demande, à moi, Parysatis, voilà ce qu’on ne m’avait jamais infligé !
— Merci, ma reine, d’y répondre.
— Qui te dit que j’y réponds, petite Juive prétentieuse ?
Lilah se tut et baissa les paupières. Un peu de sueur perla sur sa nuque.
— Personne, jamais, ne demande rien à Parysatis.
— Oui, ma reine.
— Alors, pourquoi m’envoies-tu cette tablette, idiote ? Tu veux vraiment me mettre en colère ?
— Non, ma reine.
La peur, malgré son assurance, malgré les mots de maître Baruch, malgré sa détermination, la peur nouait de sa poigne de fer la poitrine de Lilah. Elle dut inspirer profondément pour retrouver son souffle.
Parysatis attrapa par la queue le plus téméraire des chatons qui grimpait à portée de sa main le long d’une peau de bête.
— J’attends, grogna-t-elle en même temps que miaulait le chaton.
— Ma reine, j’ai pensé que tu étais la seule à pouvoir m’aider.
Parysatis lança un cri, qui se transforma en rire.
— Moi, t’aider ? Es-tu folle ? T’aider ! Pourquoi t’aiderais-je ?
Le rire cessa comme il avait commencé. Il y eut un silence.
Parysatis caressa le chaton pressé entre ses seins. Elle se tourna doucement vers Lilah :
— T’aider en quoi ?
— Ma reine, mon frère Ezra veut s’incliner devant le Roi des rois pour lui demander l’autorisation de conduire à Jérusalem ceux de notre peuple qui vivent encore dans l’exil ici, à Suse et à Babylone.
De son index court, Parysatis obligeait le chaton à ouvrir grand la gueule. Il la mordilla, avec énergie d’abord, puis avec de plus en plus de fureur. Parysatis gloussa, l’attrapa par le cou et le fit disparaître contre sa hanche, sous la peau de léopard, hors de la vue de Lilah, vers qui elle leva un sourcil surpris.
— Pourquoi ? Ils ne sont pas bien chez nous ?
— Sion est la terre désignée aux premiers de notre peuple par Yhwh notre Dieu, ma reine. Aujourd’hui, Jérusalem, notre ville, est en ruine, car nous sommes ici au lieu d’être là-bas. Le chaos y règne et le délabrement s’accélère. Rien n’y est respecté, ni nos lois ni celles de notre Grand Roi Artaxerxès le Nouveau. Si la chute de Jérusalem n’est pas bonne pour nous, les Juifs, elle ne l’est pas non plus pour le Roi des rois. Bientôt, les Grecs et ceux d’Égypte pourront s’emparer de la ville. Cela affaiblirait toutes les bornes de l’ouest.
Le regard de Parysatis s’était fait plus aigu alors que Lilah s’expliquait.
— De la politique ! Voyez-vous ça ? Tu viens devant Parysatis avec la mine d’une reine et tu me parles de politique. De quoi te mêles-tu ? Ces choses ne sont pas l’affaire des femmes. Encore moins des fillettes comme toi.
— Ma reine, c’est pour cette raison que je voudrais voir mon frère Ezra s’incliner devant le Roi des rois.
Parysatis grogna en secouant la tête.
— Têtue et toujours avec une
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