la Bible au Féminin 03 Lilah
que le sien. Il y avait si longtemps…
Frère et sœur. Lilah et Ezra !
Il y avait si longtemps !
*
* *
C’est un peu avant le crépuscule que maître Baruch se réveilla.
Ses paupières se soulevèrent d’un coup et son regard fut là, bien vif et bien vivant. Aussitôt reconnaissant les visages penchés sur lui. Et souriant.
— Ma colombe, chuchota-t-il. Je savais que tu viendrais.
Lilah et Ezra se détachèrent l’un de l’autre.
— Sogdiam est venu me prévenir, maître Baruch.
— Un bon garçon, un bon garçon.
Ses paupières se refermèrent. Lilah crut qu’il était à nouveau endormi. Mais les doigts de sa main droite s’agitèrent doucement.
— L’un et l’autre, chuchota-t-il d’une voix à peine audible et sans rouvrir les yeux.
Lilah et Ezra ne comprirent pas immédiatement. Les vieux doigts s’agitèrent plus nerveusement. Enfin Ezra plaça sa main dans la main droite de maître Baruch et Lilah saisit l’autre. Un petit sourire joua sur les lèvres du vieux maître.
Ils demeurèrent un long moment ainsi.
Le murmure des voix bourdonnait dans la cour. De la cuisine, où Axatria et Sogdiam avaient accompli un miracle, provenait un fumet délicieux.
À nouveau les yeux de maître Baruch furent grands ouverts, limpides de clarté. Ils se posèrent sur Lilah.
— Cela se fera, souffla-t-il. Tu as fait ce qu’il fallait, je le sais. Ne doute pas. Yhwh le veut.
Les yeux de Lilah se brouillèrent. Pour la première fois depuis qu’elle avait quitté Parysatis, la peau de honte gluante qui l’avait recouverte devant la reine mère se dissolvait. Oui, comme si les simples mots de maître Baruch la purifiaient.
Maintenant il regardait Ezra et disait :
— Chaque chose a une fin, Ezra.
— Mon maître…
— Écoute-moi. Chaque chose, un début et une fin. Il prit le temps de respirer, de recouvrer un peu de force.
— Souviens-toi des mots d’Isaïe : « Comme à l’aube, tu renaîtras, tu repousseras vite, devant toi marchera ta justice… et Yhwh fermera de tout Son poids la marche ! »
Il se tut encore. L’effort était grand. Toute sa volonté demeurait dans ses yeux.
— Un temps pour l’étude et un temps pour redresser les murs de Jérusalem, murmura-t-il. Un temps pour que Baruch ben Neriah remercie Yhwh.
Ezra voulut parler, mais les paupières se refermèrent.
Lilah crut que c’en était fini. Pourtant, après un instant de parfait silence, les doigts de maître Baruch serrèrent les siens.
— Je sens le pain d’orge, le pain d’orge fourré ! Quel délice…
Lilah chercha le regard d’Ezra. Il opina et dit :
— Sogdiam vient d’en cuire un pour vous, mon maître.
Les paupières et les lèvres de maître Baruch frémirent.
— Fais-le venir, fais-le venir.
Ezra courut chercher Sogdiam et Axatria. On présenta le pain tout près du visage de maître Baruch. Si vieux qu’il fût, le sourire qui éclaira ses traits était léger et lumineux, comme celui d’un jeune homme gourmand de vie et gonflé d’espérance.
L’instant d’après, il ne respirait plus.
*
* *
Toute la nuit, des chandelles brûlèrent dans la maison. Sans que personne ne le décide, on trouva du suif, des bouts de mèche et ce qu’il fallait d’huile. Avant que les nuages s’ouvrent sur les étoiles, la cour et les rues attenantes à la maison d’Ezra furent à leur tour illuminées de centaines de lumignons.
Zacharie et les siens chantèrent. Ezra lut une parole du rouleau d’Isaïe que maître Baruch connaissait par cœur :
Riez avec Jérusalem, dansez, vous qui l’aimez,
réjouissez-vous avec elle, vous qui portiez son deuil
vous téterez à volonté le sein de ses consolations
vous boirez avec délice à sa lourde mamelle…
Au matin, le ciel de Suse était couvert de brume. Elle blanchissait le soleil et rendait le sol de neige éblouissant. Lorsque le disque blanc du soleil parvint au zénith, qui, en cette saison, se situait à l’aplomb de la Citadelle, ils arrivèrent.
Sans char, à pied, mais en armes. Une dizaine de soldats aux casques de feutre et capes de fourrure, javelots aux poings. Ils fendirent la foule silencieuse. Parvenu au seuil de la maison, leur officier demanda qui se nommait Ezra, fils de Serayah.
Quand Ezra fut devant eux, l’officier lui tendit une tablette de cire en déclarant :
— Par ordre de notre roi, Artaxerxès le Nouveau, Roi des rois, roi des peuples d’est en ouest
Weitere Kostenlose Bücher