la Bible au Féminin 03 Lilah

puissants qui gouvernaient les royaumes au nom du roi. Les gardes ne s’attardèrent pas. Ils dirigèrent Ezra vers l’une des nombreuses portes ouvrant dans le palais, puis à travers le labyrinthe des couloirs et des cours.
    Lorsqu’ils s’écartèrent devant lui et s’immobilisèrent, ils se trouvaient au seuil d’une vaste salle au sol recouvert de tapis. Un voile la divisait en son centre. La lumière était intense sur la partie visible, où étaient disposés des tables et des coussins. Derrière le voile régnait une pénombre apaisante.
    Une foule de serviteurs s’agitaient entre les tables basses et les sièges, où étaient assis, fastueusement vêtus, ceux à qui Artaxerxès le Nouveau, pour ce jour, avait accordé la gloire d’être présents.
    Des visages se tournèrent vers Ezra, curieux et perplexes. Le léger murmure des conversations s’amoindrit un instant. Un homme se dressa et lui fit signe d’approcher. Ezra reconnut Antinoès, malgré le luxe de sa tenue et le bonnet rond qui couvrait sa chevelure.
    Comme il demeurait figé de surprise, Antinoès s’avança en lui tendant la main.
    — Viens t’asseoir avec moi, dit-il en guise de salut. Le roi n’est pas encore là et le repas n’a pas commencé.
    Ezra hésita avant de répliquer d’une voix dure :
    — Je ne suis pas venu ici pour manger.
    Antinoès sourit.
    — Sans doute pas, admit-il. Mais le roi, lui, ne te recevra pas avant d’avoir pris son repas.
    Il expliqua que les audiences se déroulaient ainsi. Le roi mangeait seul ou en compagnie du grand chiliarque et de quelques concubines. Ensuite, et selon son désir, il faisait venir devant lui certains parmi ceux dont l’audience avait été inscrite par les scribes au Livre des jours.
    Antinoès montra le rideau et ajouta :
    — D’ici là, tu ne le verras pas. Il se tient dans l’autre partie de la pièce, à l’abri de ce voile. L’agencement de la lumière et le tissage sont faits de telle sorte qu’Artaxerxès nous voit distinctement, tandis qu’il nous est impossible de le discerner et même de savoir où il a placé son siège. Cela change à chaque repas.
    — Es-tu en train de m’apprendre qu’il n’est pas certain qu’Artaxerxès me reçoive ? demanda Ezra sans adoucir son ton.
    Antinoès désigna d’un regard les dizaines de courtisans qui les entouraient.
    — Presque chacun de ceux qui sont ici a reçu, comme toi, une tablette pour l’audience. Comme tu le constates, ils sont presque une centaine. Il n’y en aura pas dix qui seront appelés par notre roi.
    Les yeux d’Ezra s’agrandirent d’étonnement avant que la colère ne fît trembler ses lèvres. Antinoès posa une main paisible sur son poignet.
    — Ne t’inquiète pas. Toi, tu seras reçu.
    — Pourquoi en es-tu si certain ?
    Sans répondre, Antinoès sourit à nouveau. Un sourire affectueux et triste qui surprit autant Ezra que le contact de sa main sur son poignet.
    — Viens, répéta Antinoès. Il est inutile de demeurer debout. Quand tu entres dans cette salle, la plus grande des vertus est la patience !
     
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    * *
     
    Ezra se laissa entraîner de mauvaise grâce. Dès qu’ils furent assis, des eunuques déposèrent boissons et plats sur le grand plateau devant eux. Avant de s’écarter, ils goûtèrent avec indifférence chacun des gobelets afin de bien montrer qu’ils ne contenaient aucun poison.
    Son étonnement passé, Ezra demanda à nouveau :
    — Pourquoi es-tu si certain que le roi me recevra ?
    — Parce qu’il le doit.
    Ezra fronça les sourcils.
    — Toi, le Perse, tu crois aussi que la main de Yhwh est sur moi ? fît-il avec ironie.
    — Il se peut, puisque Lilah le croit. Mais ce qui est certain, c’est qu’Artaxerxès te donnera audience tout à l’heure car, comme ton dieu, sa mère, la reine Parysatis, le veut.
    — Je ne comprends pas, fit Ezra, les traits durcis.
    Antinoès raconta alors comment Lilah avait décidé de faire connaître la valeur de son frère à Artaxerxès, comment elle était allée devant Parysatis afin de plaider sa cause.
    Quand il se tut, les yeux d’Ezra évitaient son regard. Après un moment, il demanda :
    — Parysatis oserait jeter Lilah aux lions ?
    — Sans hésiter.
    Ezra se tut encore avant de poursuivre.
    — Ainsi, tu ne pourras pas la prendre pour épouse ?
    Antinoès le fixa en silence.
    — Et toi, que fais-tu ici ? demanda encore Ezra.
    — J’ai été convoqué, car je suis celui qui