la Bible au Féminin 03 Lilah
a rédigé la requête d’audience pour toi.
Pour la première fois depuis qu’il était devant Antinoès, l’expression d’Ezra s’adoucit.
— Tu as écrit la requête ?
— Nous avons été frères, Ezra, murmura Antinoès avec un tremblement de colère. Moi, je ne l’oublie pas, même si toi, tu prétends ne pas t’en souvenir ! À vouloir respecter les lois et les règles de ton dieu, tu en deviens plus raide qu’un mur de brique !
Ezra à nouveau évita son regard. Ses mains pétrissaient l’étui de cuir contenant le rouleau de Moïse.
— Ne te méprends pas, reprit Antinoès sur le même ton. Celle à qui tu dois d’être ici aujourd’hui, c’est Lilah. Elle est celle qui croit que la main de ton dieu est sur toi. Elle est celle qui voit en toi un avenir que je ne comprends pas. Mais j’aime Lilah comme un homme ne peut aimer qu’une seule femme. Et mon amour ne ressemble pas au tien. Il n’a pas d’autre exigence que son bonheur !
Le visage d’Ezra était maintenant livide. Il se tint, pétrifié, indifférent à tout ce qui l’entourait, avant de murmurer :
— Celui à qui je dois d’être ici, c’est Yhwh.
Antinoès approuva d’un petit signe de tête. Un sourire triste effleura ses lèvres.
— Sans doute est-ce ainsi que tu vois les choses. Moi, je dirais que ton dieu a placé sa volonté entre les mains de Lilah. Sa volonté ajoutée au courage de ta sœur. Car rien n’est plus dangereux, en cette ville, que de s’en remettre à Parysatis. Cela a toujours un prix.
Il y eut un peu de mouvement à l’autre extrémité de la pièce. Les derniers courtisans encore debout s’assirent alors qu’Ezra, troublé, demandait :
— Que veux-tu dire ? Quel prix Lilah a-t-elle payé pour cette demande d’audience ?
Comme une vague, le silence recouvrit tout à coup la salle. Sans bouger les lèvres, Antinoès chuchota :
— Le roi vient de s’installer derrière le rideau. Tu ne dois plus parler jusqu’à ce qu’on te l’ordonne. Mange ou, si tu ne le veux pas, tiens-toi immobile. Souviens-toi qu’il peut te voir, et sois certain qu’il te regardera.
*
* *
Comme l’avait prédit Antinoès, la patience était la plus grande vertu que pouvaient posséder ceux qui espéraient franchir le rideau de l’audience. Le temps du repas du roi fut interminable. Le silence qui pesait sur la salle paraissait encore le dilater.
De temps à autre, les courtisans percevaient quelques murmures échappés de la pénombre, au-delà du rideau. Des voix féminines, de petits rires. Eux-mêmes mangeaient silencieusement. Les seuls bruits provenaient des plats et des écuelles d’eau citronnée que les serviteurs leur apportaient afin qu’ils puissent se rincer les doigts. Tous mangeaient avec lenteur et application, la nuque courbée sur les plateaux de cuivre. Mais tous ne mangeaient qu’après que les eunuques eussent auparavant goûté chacun des mets posés devant eux.
Ezra, lui, se tenait raide sur son coussin. Malgré la mise en garde d’Antinoès, il dissimulait mal l’agacement que lui causait une si longue attente. Comme les autres, il éprouvait le poids du silence et même l’inquiétude d’être sous le regard du roi sans pouvoir imaginer où se posaient ses yeux. Artaxerxès le Nouveau voulait assurément se donner l’apparence d’une divinité. Sans doute y parvenait-il avec ses courtisans… Ezra en sentait son humeur s’assombrir.
Nerveusement, il roulait à son index la bague que lui avait remise Axatria. C’était une pierre rouge sertie d’argent que Sarah avait subtilisée dans le coffret de Mardochée. Les doigts de son oncle étaient de loin plus larges que les siens. Il lui suffisait d’écarter un peu l’index et le médius pour que la bague glissât comme par inadvertance.
Il espérait qu’elle lui serait bientôt utile, mais commençait à en douter. À côté de lui, Antinoès avait mangé avec une application polie, qui n’indiquait ni vraie faim ni plaisir.
Soudain, les sons de harpes, de flûtes et d’un tambour vibrèrent derrière le voile. Une voix juvénile et puissante s’éleva. Ezra reconnut celle d’un très jeune eunuque. Les paroles chantées glorifiaient la virilité et la puissance guerrière d’Artaxerxès et de ses ancêtres. Puis, avec la même soudaineté qu’elle avait commencé, la musique cessa. Dans le même instant le voile s’ouvrit.
La foule des courtisans se dressa. Antinoès tira
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