la Bible au Féminin 03 Lilah
l’univers ! Il réclame que l’on se prosterne devant lui comme s’il était un dieu de la terre et du ciel !
La voix d’Ezra était moins furieuse. Elle vibrait de peine plus que de rage.
— Zacharie ! Et vous tous, fils de Lévi, fils de Jacob, fils des kohanim et du premier d’entre eux, Aaron, frère de Moïse ! Vous qui devez la porter en vous comme le sang porte vos pas, avez-vous à ce point oublié la parole de Yhwh ? « Tu ne t’inclineras devant aucune idole. Tu ne te prosterneras devant aucun faux dieu, devant aucun vivant qui se prétend un dieu ! »
La voix vibrante se tut. Les fronts se baissèrent.
Lilah, qui s’était accroupie pour soutenir Sogdiam, sentit le froid l’envahir. Ainsi, tant d’efforts avaient été accomplis pour rien ? Elle espéra un instant que la voix de maître Baruch allait s’élever et suggérer à Ezra une solution. Mais la bouche de maître Baruch était désormais close.
— Il est une chose que tu peux faire, fit la voix inattendue d’Axatria.
Tous les regards se tournèrent vers elle, qui fixait Ezra avec un sourire timide.
— Si le roi n’est pas un dieu, il ne sait pas comment séparer le vrai du faux.
Interloqué, Ezra leva les sourcils.
— Que veux-tu dire ?
— Que tu peux avoir l’air de te prosterner sans pour autant le faire. Regarde.
Elle avança d’un pas et, dans un mouvement gracieux dont il était impossible de deviner l’origine, elle s’inclina tandis que le fin anneau qui ornait son poignet glissait. Elle plia profondément le buste pour le ramasser dans la neige fondue de la cour et enfin se redressa, soufflant à pleines lèvres sur sa paume gelée ce qui pouvait bien être un baiser de grande tendresse.
Il y eut un silence. Sogdiam éclata de rire. D’autres gloussements fusèrent et, alors qu’Ezra rougissait jusqu’à la racine des cheveux, la cour entière se mit à rire.
Axatria, tout aussi écarlate qu’Ezra et les yeux tout brillants, murmura :
— Yhwh saura que tu n’as rien accompli d’interdit. Mais Artaxerxès lui, l’ignorera, puisqu’il n’est qu’un homme.
Lilah vit la main d’Ezra se tendre vers celle d’Axatria. Maintenant, il riait lui aussi de bon cœur. Elle ferma les paupières et crut discerner le sourire de maître Baruch.
Le Livre des jours
Avant de pousser la porte ferrée de la tour, Lilah s’immobilisa en retenant son souffle. Il n’y avait autour d’elle que l’immense silence de la ville. Il faisait trop froid, la nuit était trop obscure pour que les espions de Parysatis s’obstinent à s’y risquer.
La rue était vide. Pas même un chien errant.
Elle referma sans bruit, traversa le rez-de-chaussée et se glissa dans le jardin. La semelle de ses bottines fourrées crissa dans la neige. Elle s’avança à pas rapides, les mains en avant pour se protéger. Elle frôlait les troncs, les buissons. L’obscurité était si dense qu’elle buta contre le mur de la maison en l’atteignant, s’écorchant les doigts aux arêtes glacées des briques.
Il lui fallut contourner les colonnes de l’entrée. Lorsqu’elle frappa doucement au volet, elle était transie jusqu’aux os.
Il ne mit guère de temps à demander :
— Qui est là ?
— Lilah.
Ce furent leurs seuls mots avant longtemps.
Il la dénuda près des braseros. Il brûla chaque parcelle de sa chair de son haleine, lui fit l’amour avec une lenteur douloureuse et violente.
Plus tard, alors qu’elle était endormie, les fins cheveux de ses tempes collés par la sueur, il recommença ses caresses. Il la prit avec la douceur d’un songe. Elle s’éveilla à peine, respirant dans ses baisers.
Dehors, la nuit de Suse demeurait gorgée de silence et de froid. La neige tombait à nouveau.
Quand Lilah roula une nouvelle fois sur la poitrine d’Antinoès, le plaisir n’empêcha pas ses larmes de couler. Cependant, ces larmes étaient une pluie douce et réconfortante pour ses yeux. Chaque caresse d’Antinoès l’avait lavée, apaisée.
Elle s’agrippa à sa nuque. Il la tint enlacée, enchâssée contre lui. Un instant, très bref mais d’une grande force, ils furent aussi indestructibles que la nuit et les étoiles.
Avant le matin, Antinoès la réveilla encore afin qu’elle profitât de l’ombre pour quitter la maison. Il lui avait préparé un manteau de fourrure doublé de soie.
Elle aurait voulu lui dire que rien, de son cœur ou de sa volonté, n’avait changé. Qu’il
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