La bonne guerre
ils auraient tué un MP qui les
empêchait d’en faire à leur tête. Dans certaines unités à la fin de la guerre, il
a fallu leur mettre des camisoles de force (il rit) pour qu’ils se
tiennent tranquilles. Une fois, je suis allé en Afrique du Nord pour aller
chercher des prisonniers et les ramener aux États-Unis. Quand j’ai rejoint Fort
Shanks avec mon unité – c’est dans les collines au-dessus de New York, le long
de l’Hudson – j’ai vu qu’ils avaient des types avec des fusils et des
mitraillettes qui faisaient une ronde de chaque côté. Je leur ai dit :
« Mais qu’est-ce qu’ils foutent ces types ? » Et ils m’ont
répondu : « Ils gardent les unités d’infanterie qui doivent repartir. »
Sinon ils seraient passés dans les bois et se seraient enfuis.
Je me suis mis à voir rouge. J’ai dit au lieutenant :
« Bon sang, mais qu’est-ce que vous foutez ? Les MP et la moitié d’entre
nous sont allés en Europe et en sont revenus, pourquoi est-ce que vous nous
gardez ? » Il m’a dit : « On garde tous ceux qui viennent
là. » Parce qu’ils en avaient trop qui faisaient le mur. C’était en 42.
Quand on ramassait ces gars dans Paris, on retournait au
quartier général en Angleterre. Là, ils passaient en cour martiale. Ces gars, ils
se faisaient la malle dans tous les coins. C’étaient surtout des Noirs qui passaient
en jugement. Il y avait toujours un colonel, un commandant et un capitaine, ils
étaient cinq ou sept au tribunal militaire. On voyait bien que ces types
étaient des gros bonnets de la régulière. La première fois que je suis allé
témoigner, c’était le colonel qui présidait. J’ai dit que le type n’était pas
coupable d’avoir vendu quelque chose, qu’il s’était fait ramasser parce qu’il
se trouvait là à ce moment-là. Le colonel m’a demandé : « C’était un
nègre ? » Il n’a pas dit Noir mais nègre. J’ai dit : « C’était
un homme de couleur. » Et il a dit : « Bon, si c’est un nègre, de
toute façon, il est coupable. » Je ne sais pas ce que ces types ont écopé,
parce que je n’ai jamais attendu le verdict. Ça n’en finissait pas. Voler des
biens de l’État ça pouvait les mener au peloton d’exécution.
Avez-vous connu des types qui ont été exécutés pour une
de ces raisons ?
Oui, bien sûr. Là-bas ils ont exécuté des types qui auraient
été relaxés s’ils étaient passés devant un tribunal civil. Ça dépendait
essentiellement du commandant. Les gars qui ont été fusillés et pendus c’était
à Shepton Mallet – c’est là qu’Henri V avait fait couper la tête à toutes les
filles. C’était presque le soir quand on arrivait là-bas, à cause des
changements de train en venant de Londres.
Ces Noirs de Lichfield, ils avaient un camion plein de trucs
de l’armée. Ils en avaient volé un peu. De toute façon, les raisons pour
lesquelles ils vous fusillaient c’était de la broutille comparée à la loi
civile. Il fallait voir un peu l’épaisseur du Code de justice militaire, aussi
gros qu’une Bible. En temps de guerre, ils peuvent vous fusiller pour rien. Pour
les meurtres et les viols, je crois qu’ils pendent. Les gars sont exécutés dès
le lendemain matin. Des fois ils sont cinq ou six à être fusillés. Des fois ils
ramassent cinq ans. Je ne sais pas ce qu’ils ont fait aux gars que j’ai amenés.
Je sais foutrement pas où ils les ont envoyés.
D’abord, je les récupérais à Goodge Street. C’est quelque
chose du genre réservoir à criminels. Une fois qu’on les avait, on quittait
Londres avec eux. Normalement, ils envoyaient deux MP quand on allait à Shepton
Mallet. Cette fois-là, j’étais tout seul. Le sergent m’a dit : « Ce
type va être fusillé. » Il m’a attaché les menottes au poignet de la main
gauche. Vous portiez le pistolet à droite. De toute façon, c’était le genre de
type qui n’avait plus rien à perdre. Je sais pas du tout ce qu’il avait fait
mais il devait être fusillé. Je crois qu’il avait tué un autre GI. Il était
très sympa. Peut-être qu’il le faisait exprès. Je ne sais pas.
Le contrôleur m’a dit à la descente du train « Vous n’êtes
pas très loin de Shepton Mallet. » J’ai regardé autour de moi, on était en
pleine cambrousse. Le prisonnier était encore plus inquiet que moi. J’étais
attaché aux menottes d’un condamné à mort qui allait être fusillé le lendemain
matin. Je ne
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