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La bonne guerre

La bonne guerre

Titel: La bonne guerre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Studs Terkell
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savais pas si je devais le descendre d’emblée ou attendre qu’il
fasse quelque chose. (Il rit.) Ce genre de bagarres, on sait jamais
comment ça se termine. J’ai été tenté une ou deux fois de le descendre. Mais je
me suis assis à côté de lui parce que c’était une affaire de vie ou de mort. Il
avait peut-être un couteau sur lui. Je ne l’avais pas fouillé, le sergent l’avait
fait. J’avais une de ces trouilles !
    Pourquoi ils m’ont envoyé tout seul, je ne sais pas. Après, ça
me foutait en rogne. Il devait bien y avoir une cinquantaine de MP qui se la
coulaient douce dans leur caserne, et moi je me retrouvais en pleine cambrousse
tout seul avec ce type attaché à moi par des menottes.
    Je me suis dit que je pourrais aussi bien sortir mes
cigarettes. Ma femme tenait une épicerie à l’époque, et elle m’avait envoyé une
boîte métallique de cinquante Lucky Strike. J’ai donné à ce type cinq ou six
cigarettes quand je l’ai remis au sergent qui est venu nous chercher en
carriole. Le sergent m’a demandé si je voulais venir le lendemain matin à six
heures quand on fusillerait ce type. Il était debout à côté de nous. J’ai dit
au sergent que, non, je ne voulais voir personne se faire fusiller. Il m’a dit :
« Pourtant, il y a des gars qui aiment bien rester pour voir exécuter ceux
qu’ils ont amenés. »
    Je me suis mis à penser que quand on exécute un type, il y a
cinq ou six gars en face de lui, et tous sauf un ont des fusils chargés à blanc.
Ça laisse à chacun des gars l’impression que ce n’est pas lui qui l’a tué. Il m’a
dit : « C’est des conneries ce qui se raconte. Ils sont tous chargés
pour de bon, les fusils. Il y en a aucun qui tire à blanc. »
    Je n’ai jamais aimé voir quelqu’un se faire exécuter ou
fusiller. J’ai été dans la police pendant trente et un ans. J’ai vu un paquet de
suicides et de meurtres. C’est complètement idiot de tuer. Pan ! c’est
fini. Une fois que vous avez tiré, vous ne pouvez pas dire : « Attends,
la balle, reviens. » Pour rien au monde, vous ne me feriez assister à une
exécution.
    J’ai vu le bourreau à Paris. Il avait l’air tellement
bizarre. Il avait un chapeau à grands bords, ils appelaient ça des chapeaux de
manœuvre, et il était en grand uniforme. C’était un sergent-chef. Un Américain.
Ils devaient avoir leur propre bourreau. C’était sa profession au Texas. Il avait
apporté sa propre corde. Il ne parlait pas. En d’autres termes, c’était un
fantôme, enfin, à mes yeux. Il ne parlait à personne. Ils l’ont amené à Paris
et je crois qu’il a pendu deux types. Je ne sais pas si ce Slovik [17] est un de ceux que j’ai arrêtés. Le gosse qu’ils ont fusillé pour désertion. Eisenhower
a dit que ç’avait été le seul à être exécuté pour ça. C’est ce qui me fout en
rage, de savoir qu’un bon nombre de ces gars ont été exécutés pour sûrement
moins que ce Slovik. Ils ont dit que ça avait été le seul. Pour l’exemple. Quelle
bande de salauds.
    C’est complètement dingue, la guerre. Ça ne vaut pas le coup
de se battre, pour aucune guerre, quelle qu’elle soit, où que ce soit. C’est
pas la peine d’essayer de me dire le contraire. L’argent, et encore l’argent, voilà
la raison, je serais pas surpris si on ne disait que ceux qui commencent les
guerres et les encouragent sont ceux qui se font du fric, les marchands de
canons, d’uniformes et tout ça. Quand on pense à ces pauvres gosses en Asie qui
crèvent de faim, et à combien on pourrait en nourrir avec ce que coûte un obus.
    Cette guerre en Europe a été cruelle, ça c’est évident. Mais
rien qu’avec les avions, les armes nucléaires… On n’en a plus pour longtemps.

Charlie Miller
    C’est un beau dimanche après-midi et nous avons le
Pacifique en face. Nous sommes dans une petite maison de La Jolla, en
Californie.
    Charlie Miller est président des Ex-prisonniers de guerre
américains, une association à but non lucratif, cherchant à faire valoir les
droits des anciens prisonniers de guerre. Son enthousiasme et sa bonhomie sont
quelque peu surprenants. On s’attendrait à davantage de solennité de la part d’une
personne qui vous fait le récit de temps si difficiles.
    J’étais jeune, je suivais mon train-train quotidien, et tout
d’un coup le ciel nous est tombé sur la tête, c’était arrivé : la seconde
guerre mondiale commençait. C’était le

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