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La bonne guerre

La bonne guerre

Titel: La bonne guerre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Studs Terkell
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paroles m’avaient
permis de tenir le coup.
    Pendant un moment j’ai quitté Hambourg pour passer dans la
clandestinité.
    Après la guerre j’ai écrit des ouvrages et des articles sur
la période hitlérienne. Je me suis fait attaquer par les néo-nazis et les
anciens du régime. Au cours de l’une de leurs réunions j’ai parlé de la double
vie que devaient mener tous les Allemands dignes de ce nom pendant le Troisième
Reich. Un vieil officier de l’infanterie de marine s’est mis à protester :
« Je suis un vieux soldat, et n’ai rien fait d’autre que mon devoir. Je ne
vois pas de quels crimes vous parlez. » Je l’ai interrompu : « Si
vous avez fait partie de l’infanterie de marine, vous avez subi des contrôles
médicaux, votre vue notamment a été vérifiée. Vous n’étiez donc pas aveugle. N’avez-vous
pas vu la fumée s’élever des synagogues en flammes ? » Il a dit :
« Bien sûr, tout le monde savait que les synagogues brûlaient. » Je
lui ai répondu : « Si vous n’avez pas commencé à mener une double vie
à ce moment-là, vous devriez avoir honte. Si vous n’éprouvez aucune honte, moi
j’ai honte pour vous. »
    J’ai été soldat. J’étais plus en sécurité qu’en étant un
civil exposé aux soupçons. J’ai refusé de devenir officier. J’avais secrètement
juré de ne jamais porter les armes contre un opposant au régime de Hitler. Les
Alliés me tiraient dessus, mais je ne répondais pas. De ce point de vue, j’étais
peut-être un mauvais Allemand. Je ne voulais pas de décoration avec une croix
gammée.
    Pendant ma captivité dans un camp américain de prisonnier en
Italie j’ai eu une occasion exceptionnelle. J’étais là avec mes 140 000
prisonniers, dont des gamins que Hitler avait mobilisés. Je publiais un journal
de prisonniers, et je parlais à la radio du camp. À l’époque la guerre
psychologique consistait à rééduquer ces prisonniers. Mais tout cela venait de
l’extérieur. Ce qui provoquait une réaction de rejet. Je me suis essayé à l’auto-éducation.
Voyez-vous, j’appartiens à une nation qui a toujours eu de nombreux héros
militaires mais où le courage civil a toujours été insignifiant. C’était de
cela et de cette autre Allemagne que je parlais. Et les jeunes ont commencé à
comprendre.

Joseph Levine
    Fort Wayne, Indiana. Il est conservateur du musée d’histoire
juive. Il a été l’un des premiers travailleurs sociaux à s’occuper des
survivants des camps de la mort de 1945 à 1946.
    Son bureau disparaît sous les documents jaunis, les
photos passées, les coupures de presse, les vieilles lettres, les livres aux
reliures déchirées et les journaux froissés. Il s’y référé sans cesse au cours
de notre conversation.
    J’avais été affecté à la direction des secours à Munich. J’avais
entendu dire qu’il y avait environ 250 Juifs sans abri à Schwandorf, une petite
ville qui se trouvait à près de quarante kilomètres au nord. J’ai découvert des
hommes et des femmes qui avaient erré jusque-là. Pas d’enfants. Ils vivaient
dans des granges, dans des caves et dans des greniers. Ils n’étaient pas encore
inscrits auprès de l’UNRRA [18] et ne recevaient donc ni nourriture ni rien et n’étaient pas hébergés. Je les
ai tous fait inscrire. Il a fallu que je me batte avec les commandants d’armes
américains pour qu’ils réquisitionnent les maisons des nazis. Plus tard, comme
les Juifs souhaitaient avoir un lieu de culte, j’ai réquisitionné une ancienne
brasserie fermée depuis des années. Nous l’avons transformée en synagogue, et l’avons
inaugurée pour la fête de Hanoukah.
    Ils étaient seuls au monde. Au cours de mes déplacements de
ville en ville, je faisais régulièrement monter jusqu’à six ou sept personnes
dans la voiture, et j’écoutais leurs récits. L’un me racontait comment quarante
membres de sa famille s’étaient fait massacrer par les Allemands. Un autre me
disait : « Ça, c’est rien. » Et il racontait comment soixante
personnes avaient été tuées. Mon chauffeur, alors, n’en pouvant plus, commençait
à fredonner une chanson yiddish, polonaise ou russe que tout le monde
connaissait et reprenait en chœur.
    Schwandorf était une petite ville pourrie où il n’y avait
plus de Juifs depuis des siècles. S’il y en avait jamais eu, ils s’étaient fait
chasser depuis longtemps. Dans un grand nombre de ces villes perdues il m’a
fallu du

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