La bonne guerre
sur bien des points une réplique de Nuremberg. Cependant, alors
que les comptes rendus sur Nuremberg sont légion, vous ne trouvez pas de
rapport sur le procès de Tokyo, sauf dans une ou deux bibliothèques. Le public
a été très peu informé.
Vous vous souvenez peut-être que la condamnation à mort et l’exécution
de Keitel et Jodl, deux généraux allemands, avaient provoqué une levée de
boucliers dans les milieux militaires. Les commentateurs se faisaient
ouvertement l’écho de la position des militaires. À part eux et un certain
général Dostler, qui avait tué des prisonniers de guerre américains en Italie
et avait été, lui aussi, condamné à mort par une cour martiale américaine, aucun
autre général allemand n’a été condamné à la peine capitale par des Américains
à la fin de la seconde guerre mondiale.
Or, sans que personne n’y prête la moindre attention, une
foule de généraux, d’amiraux, de colonels et de commandants japonais ont été
condamnés et exécutés sans que quiconque protestât ni chez les militaires ni
ailleurs. Personne ne l’a jamais dit mais je pense que c’est un problème racial.
Avez-vous vu Breaker Morant, ce film australien qui
traite des crimes de guerre pendant la guerre des Bœrs ? Il montre que les
règles de la guerre sont établies par des civils qui ne comprennent pas à quoi
sont confrontés les hommes qui se battent. Ce n’est pas complètement faux, mais
on ne peut pas dire que ce sont les civils qui déterminent les règles de la
guerre.
Qui a condamné le général Yamashita à mort ? Une cour
composée de sept généraux de carrière, dont le verdict a été approuvé par le
général MacArthur dans un discours retentissant.
Les militaires ont été bien plus sévères que les civils
quand ceux qui avaient enfreint les règles de la guerre étaient des soldats
ennemis. De même qu’ils se sont toujours offensés des efforts menés pour punir
les leurs. Dans ce pays les milieux militaires ont toujours admiré l’armée
allemande. Ce qui permet d’expliquer pourquoi MacArthur dénonçait Yamashita et
signait son arrêt de mort avec autant de pompe, alors que dans le même temps
les généraux s’élevaient avec véhémence contre les condamnations de Keitel et
de Jodl.
Au procès, nous avions estimé que Keitel était un homme peu
sensible et sans grand discernement. Dans ses déclarations il s’était révélé
très obtus. Mais la dernière fois qu’il s’est adressé à la cour il a dit :
« Ce que je n’ai jamais compris c’est qu’il ne suffisait pas d’être
simplement un bon soldat et de respecter les ordres. Das ist meine Schuld. » C’est de cela que je suis coupable.
Il y avait vingt-deux accusés au premier procès de Nuremberg.
Si je me souviens bien, treize ont été condamnés à mort. Et bien sûr il y a Göring
qui s’est suicidé à la veille de son exécution. Ces gens-là étaient des
personnages de premier plan.
Notre premier procès après le départ de Jackson a été celui
des médecins qui s’étaient livrés à des expériences inhumaines sur les
prisonniers des camps de concentration. Nous avions une vingtaine d’accusés
dont sept ont été exécutés. Il y a eu un procès de juges allemands, trois
procès de responsables SS, deux procès de militaires et un procès de diplomates.
Il y a eu trois procès d’industriels, Flick, Farben et Krupp. Mais les choses
changeaient.
Après le succès du premier procès le climat de la zone d’occupation
à complètement changé. Le rideau de fer est tombé, l’administration commune de l’Allemagne
occupée a cessé. Puis ç’a été le pont aérien de Berlin et la grande hostilité
entre l’Est et l’Ouest. Nos sentiments envers l’Allemagne, tant sur le plan
militaire que politique, ont commencé à se transformer considérablement. Nous
voulions l’Allemagne de notre côté. Je pense que cette attitude a pesé sur les
sentences prononcées au cours des autres procès.
De nombreuses condamnations à mort ont été prononcées, surtout
envers les SS directement responsables de l’extermination des Juifs. Un grand
nombre de ces peines ont été suspendues au départ du général Clay, chef du
gouvernement militaire de l’Allemagne occupée. John McCloy, qui lui a succédé
en tant que haut-commissaire, a commué un grand nombre de ces condamnations à
mort. Après cela cinq accusés seulement ont été exécutés.
Pourquoi suis-je
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