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La bonne guerre

La bonne guerre

Titel: La bonne guerre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Studs Terkell
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et je lui ai dit :
« Excusez-moi, vous n’étiez pas à Fort Benning en 1943 ? » Et il
m’a répliqué : « Si, j’y étais, et même que vous êtes Red Prendergast. »
Ça faisait trente-neuf ans de ça, et je l’ai reconnu tout de suite. Iln’avait pas changé, toujours aussi grand et mince.
    On était pratiquement voisins de lit pendant nos classes. Et
le sort a voulu que Bob tombe malade une semaine avant qu’on parte. Il était
effondré. Mais la suite a montré que c’est sûrement ce qui a pu lui arriver de
mieux. (Il rit.) On a tous rejoint la 106 e division d’infanterie,
qui a été complètement décimée au cours de la bataille des Ardennes.
    Solidement bâti et grisonnant, Red Prendergast fait un peu
penser à un ancien joueur de rugby. Il est vice-président et directeur des
ventes d’un magazine commercial de Chicago.
    J’étais dans l’artillerie lourde. Avec ce genre d’arme on
était environ cinq cents mètres derrière les fusiliers. J’étais chargé d’un
mortier de 81. Ils mettaient de préférence les plus costauds là-dessus, parce
que c’étaient des trucs lourds. On portait en permanence vingt kilos de métal
sur l’épaule, plus l’équipement habituel.
    On a relevé la 2 e division Indianhead. Ils
en avaient drôlement bavé. Ils avaient eu quelque chose comme 300 % de
pertes. Les hommes étaient remplacés au fur et à mesure qu’ils tombaient, et
les nouveaux arrivants ne faisaient pas de vieux os. Toutes les casemates dans
lesquelles on installait l’artillerie étaient tournées du mauvais côté. On
était sur la ligne Siegfried, c’était les abris que les Allemands
avaient construits face à la France. (Il rit.) Donc, pas moyen de les
utiliser.
    Il y avait deux régiments répartis sur un front de
trente-cinq kilomètres, ce qui était loin d’être suffisant. Ils nous disaient
de ne pas nous inquiéter. (Il rit.) Et nous, on ne s’inquiétait pas. Tous
les matins, on leur envoyait trois salves, et on recommençait en fin d’après-midi.
On faisait des patrouilles de nuit. J’en ai fait quelques-unes, il ne se
passait jamais rien. De temps en temps, il nous arrivait de faire des prisonniers.
Des Polonais ou des Hongrois pour la plupart, enrôlés de force dans l’armée
allemande. Ils ne débordaient pas d’enthousiasme. Ils nous racontaient que
juste derrière il y avait une énorme concentration d’hommes et d’armes, avec
des tanks partout. Nous, on faisait passer l’information, mais personne n’avait
l’air intéressé.
    Le 16 décembre au matin, on s’est retrouvés d’un seul coup
sous un gigantesque tir de barrage . Tous les chars d’Europe étaient en train
franchir la colline, tous les panzers du monde. Nous, on n’avait pas un seul tank.
Le temps était tellement affreux que l’aviation ne pouvait nous apporter aucun
soutien. Ils ont écrasé notre artillerie comme si de rien n’était. On était
encerclés, complètement coupés du reste du monde. On courait dans les collines,
et on tirait sur n’importe quoi.
    On était environ deux sections, une soixantaine d’hommes, quoi.
On était dans cette immense forêt des Ardennes – dans le Schnee Eifel, le
massif enneigé. On s’enfuyait tous en essayant de résister un peu. Nous n’avions
pas de nourriture, pas de véhicules, pas de munitions. On ne savait pas où s’enfuir
parce qu’ils étaient aussi derrière nous. À un moment donné, on a traversé un
petit ruisseau, et j’ai dit : « Pourquoi on ne se débarrasserait pas
des mortiers là-dedans ? De toute façon personne ne peut rien en faire. »
Un officier m’a répondu : « Non, vous ne pouvez pas détruire ce qui
appartient au gouvernement. » (Il rit.) J’ai quand même balancé le
mien dans le ruisseau suivant. L’esprit militaire, je pense.
    J’étais donc là, ne sachant où aller avec toute l’armée
allemande qui me tirait dessus, et juste un 45 automatique pour me défendre. Pourtant
ce n’étaient pas les armes qui manquaient, il y avait des morts partout. Des
Américains pour la plupart. J’ai dû avoir entre les mains à peu près toutes les
armes américaines qui existaient. Là, ce n’était pas compliqué. Quand on n’avait
plus de munitions, on jetait son arme et on en cherchait une autre. À un moment
je me suis retrouvé avec un pistolet-mitrailleur, c’était la première fois que
j’en avais un.
    Le gros problème c’étaient les francs-tireurs. Quand on
pénétrait dans

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