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La bonne guerre

La bonne guerre

Titel: La bonne guerre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Studs Terkell
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années, les gens disaient qu’il était devenu fou, mais
moi, en discutant avec lui, je l’ai trouvé normal.
    Et son livre ? Avoir détruit Hiroshima ?
    Oui, oui, je l’ai lu. (Pause.) C’était quelqu’un de
bizarre. Il était régulier, mais il se mettait facilement en colère. C’était un
sacré pilote. Il avait son propre équipage. Il avait participé à une des
missions météo. Je crois bien que Buck a fait partie de la mission sur
Hiroshima. Il faisait partie de l’un de nos quinze équipages.
    Nous, on s’est retrouvés là-dedans comme ça. Je n’ai jamais
su comment notre unité avait été choisie. Nous, on faisait notre temps, et on a
fait ça comme on aurait fait n’importe quoi d’autre. On n’a pas vraiment eu le
choix. J’ai déjà eu pas mal de chance de m’en sortir. La première chose qu’on
se dit, c’est : « Hé oui, j’y étais, j’ai fait partie des quelques
privilégiés qui l’ont su avant les autres. » On ne peut pas s’empêcher de
penser ça.
    Est-ce que ça vous contrarie de lire tout ce qui s’écrit
là-dessus ?
    Ouais. Il s’en écrit moins maintenant que pendant un temps. Juste
après, il s’est vraiment écrit des trucs complètement faux. Pendant un bon bout
de temps je n’ai pas pu en discuter calmement, comme ça, autour d’une table. Je
n’aurais pas pu en parler avec vous comme je viens de le faire, parce qu’ils ne
nous avaient pas encore autorisés à raconter ce qui s’était passé.
    C’était une bricole à côté de ce qu’ils ont maintenant. Je
ne pense pas qu’ils l’utiliseront. Ça, c’est mon opinion personnelle. Je crois
que s’ils commencent c’est la fin du monde, et ce coup-là tout le monde perdra.
Imaginez qu’ils en lâchent une sur Chicago, eh bien, ici il ne resterait sûrement
plus rien non plus, et avec les radiations tout serait détruit jusqu’à
Cincinnati. Je suis persuadé que maintenant ils peuvent vous en envoyer une
comme ça, avec leurs ogives nucléaires, sans même avoir besoin d’avion.
    Ces gens de Nagasaki, on les a jamais vus. J’ai souvent
pensé à ça, à la guerre de Sécession, et à toutes ces guerres-là. Les types se
cachaient derrière des arbres et tiraient sur d’autres types cachés derrière d’autres
arbres, mais ils se voyaient tous, ces types. Alors que maintenant, on est
averti de ce qu’on a fait en lisant le journal, comme tout le monde.
    À l’époque du Viêt-Nam je pensais qu’on aurait dû l’utiliser,
mais, vous voyez, j’ai changé d’avis. (Il rit.) J’ai un peu évolué dans
ma manière de voir les choses.
    Je suis sorti de l’école pour entrer dans l’armée, alors j’ai
pas eu beaucoup le temps de réfléchir aux choses. À l’école on vous dit de
faire telle ou telle chose, de lire tel ou tel bouquin, point. À l’armée, un
jour on vous envoie là, le lendemain on vous envoie ailleurs, et vous faites ce
qu’on vous dit de faire, au moment où on vous dit de le faire. Une fois que
vous en êtes sorti, votre personnalité se transforme et vous voyez la vie sous
un jour différent. C’est quand vous avez eu à résoudre vos propres problèmes
que vous mûrissez.
    Je comprends parfaitement pourquoi la première bombe a
été larguée. Mais pourquoi une seconde ?
    Moi, je vous donne mon interprétation. Ils connaissaient les
armes dont on disposait, et ils avaient la possibilité de se rendre. S’ils ne
le faisaient pas, ils savaient qu’on envahirait leur pays. On les avait mis à
genoux, pourtant, une invasion, ça voulait dire d’énormes pertes pour eux et
pour nous, plus d’énormes dépenses. Alors que comme ça il n’y a que des
Japonais qui sont morts.
    De temps en temps il y a des gens qui me demandent si ça ne
me tracasse pas trop. Non, ça ne me gêne pas. Je crois que je pense beaucoup
plus souvent aux gens avec qui j’étais, à ce qu’on a fait, et aux bons moments
qu’on a passés ensemble.
    Il y a plein de gens bien-pensants qui vont raconter qu’on
ne peut être qu’un assassin pour faire un truc pareil. Je crois que si je
restais le derrière sur ma chaise à toujours ressasser cette histoire-là je
deviendrais dingue. C’est normal, ça serait pareil pour n’importe quoi.
    Post-scriptum  : Si la guerre s’était prolongée, on l’aurait utilisée en Europe, je le sais. On
avait un simulateur de vol, pour l’entraînement. Le bombardier, le navigateur
et moi, on s’entraînait là-dessus à des vols de trois

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