La bonne guerre
héros. Les tramways
roulaient à gauche, et lui il descendait du trottoir. Après, ça a été Brisbane
et Rockhampton. On se dirigeait vers le nord. Ils pensaient que les Japonais
allaient arriver par la Nouvelle-Guinée. Mais ça ne s’est jamais fait parce que
les Australiens les ont arrêtés à Bougainville. On est allés sur une île qu’ils
appelaient Goodenough, ou un machin comme ça. C’était début 43. On faisait
aussi des sorties en Nouvelle-Guinée. J’ai eu la chance ou la malchance de
tomber sur un avant-poste japonais où il y avait eu des histoires de
cannibalisme. On a vu l’endroit où ça s’était passé.
Qu’est-ce que je pourrais bien vous dire des combats ? C’est
un mot que je n’aime pas. Je suis un peu loufoque aussi. Ça travaille là-dedans.
J’ai même inventé une bombe avec un pote de Neenah dans le Wisconsin, Tut Grode.
On l’a envoyée au docteur Vannevar Bush à Washington. On a reçu un superbe
diplôme et toutes les conneries qui vont avec. C’était une bombe antipersonnel.
Un peu comme celles qu’ils utilisent maintenant. On l’avait appelée la bombe G-B, Grode et Bezich. J’aime bien raconter des conneries.
On avait des espèces de nullards d’officiers. J’ai bien
failli me retrouver devant le tribunal militaire avec cette histoire de bombe. Quand
j’ai écrit cette lettre, j’ai mis mes coordonnées, et je l’ai donnée à mon
officier pour la censure. À l’époque, ils censuraient le courrier. Il a voulu
me faire passer devant le tribunal militaire parce que je donnais notre
position. Dans notre unité, il y avait un colonel qui était dans le bâtiment
comme moi. Il m’a demandé : « Qu’est-ce que tu traficotes, Pete ?
Je veux savoir. » Là-bas ça se réglait comme ça, d’homme à homme. Finalement
ça s’est tassé.
Après on est partis pour Panaon – c’est pas là que Kennedy a
été blessé sur un patrouilleur ? J’ai récolté quelques petites décorations
mais le vrai héros de la famille ç’a été mon frère Bill. Il a pris sa retraite
en Floride. Vingt et une fois, il a été cité. Moi, j’ai eu une Silver Star. Comme
ça, sans cérémonie.
Avec quelques hésitations, il me passe une coupure de presse
de 1943 : « Le soldat Peter N. Bezich, aide médical aux
Philippines, fils de M me Philomena Bezich, résidant au 221, 35 e rue Ouest, vient de recevoir la Silver Star pour le courage dont il a fait
preuve en se portant à de nombreuses reprises au secours de ses camarades blessés
en pleine action, afin de leur prodiguer les premiers soins. »
J’ai fait toutes les îles aux Philippines. J’étais sur la
plage de Leyte quand MacArthur est arrivé. Ils filmaient notre grand héros en
train de débarquer comme ça avec son chapeau. Nous, on regardait. Tout à coup on
le voit repartir et recommencer son débarquement. C’était la deuxième prise, comme
on dit. (Il rit.) « L’ai-je bien descendu ? » Vous voyez
le genre ? Moi, je ne portais pas mon casque. Il m’a dit : « Où
est votre casque ? » Je lui ai répondu : « C’est nécessaire ? »
Lui, il n’en avait pas. Il portait juste le calot.
Ouais, MacArthur, il se faisait construire son petit palais
là-bas, dans les montagnes. Et nous, on nous avait réduit nos rations des deux
tiers. En même temps, il se faisait expédier des meubles par avion pour sa
petite base arrière, si vous voyez ce que je veux dire. Tous ceux qui
écrivaient ça à leur famille leur disaient : « Faites-vous rembourser
les bons. » Vous vous rappelez qu’on achetait des bons de la défense
nationale, même les appelés, tout le monde en achetait. Alors ils leur
écrivaient : « Terminé, on ne va pas donner notre fric pour le palais
de ce mec-là. »
On est restés sur le front pendant trente et un jours à
attendre la relève. J’ai vraiment failli y rester à Davao. Notre supérieur a
voulu qu’on laisse nos trous d’homme à un officier qui venait voir ce qu’on
faisait sur notre colline. Il m’a dit à moi et à Charlie Browd, un Indien je
crois : « Acceptez-vous de laisser vos trous d’homme au colonel et à
son capitaine ? » Moi j’ai répondu : « Pas question. » (Il rit.) Quand on est dans la jungle, chacun se creuse son trou. Il n’y
a pas de raison de leur faire des cadeaux à ces types-là. Ils n’ont pas insisté.
C’est comme si je vous prenais votre fusil. On est sur le front et j’ai pas de
fusil, alors je vous
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