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La bonne guerre

La bonne guerre

Titel: La bonne guerre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Studs Terkell
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s’y
conformait. On est devenus de droite. Le respect, le respect, respectables.
    D’un seul coup on a pu relever la tête. Les Italiens
pouvaient se permettre d’investir. La loi sur les GI, le Rêve américain. Les
gars de mon âge s’étaient tout à fait américanisés. Ils sont partis s’installer
dans les banlieues. Je crois que les banlieues américaines se caractérisent par
leurs sentiments anti-Noirs. C’est vraiment leur dénominateur commun. Il semble
que ça leur vienne très naturellement. Ils croient être arrivés.
    En fait ils sont nettement moins bien lotis qu’avant. Ça c’est
ce qu’ils n’ont pas compris. Ils n’ont absolument pas été assimilés. Ils sont
simplement un peu casse-cou dans les affaires. Ils n’hésitent pas à prendre
davantage de risques que la plupart des gens pour arriver à leurs fins. Pas un
de mes amis n’a choisi une carrière intellectuelle. La guerre nous a fait
perdre tout intérêt pour la culture. L’opéra, toutes les bonnes choses. Mon
père savait siffler tous les airs d’opéra. Bien entendu chaque foyer possédait
les disques de Caruso. Il n’était pas une famille qui n’avait son phono. Pour
nous l’opéra c’était comme la voiture. L’opéra était pour nous ce que les
voitures étaient aux Américains. En banlieue, mes amis ne connaissent rien à l’opéra,
rien au jazz. Ils savent juste se faire du fric.
    Mais ils ne sont toujours pas gagnants. Quand un de ces
types arrive quelque part avec son argent, tout le monde pense que ce n’est pas
de l’argent propre parce qu’il est italien. Sauf s’il a pignon sur rue, les
gens sont portés à croire que ses revenus sont illégaux. Il n’est toujours pas
respecté. En fait nous sommes moins respectés maintenant que quand nous étions
concierges. Ces imbéciles qui sont maintenant docteurs ou avocats ne veulent
pas s’en rendre compte.
    Nous sommes arrivés ici, de notre plein gré, avec la volonté
de travailler, peut-être encore plus que les Juifs d’Europe centrale. Sacco et
Vanzetti n’étaient pas des ritals à la noix. Leur sens du combat – la lotta – était très italien. La lotta continua – la lutte continue. La lutte a
toujours fait partie de la culture italienne.
    Je me souviens de la fois où ma grand-mère a fait la grève. Son
syndicat c’était sa vie. Elle était couturière. Dans la famille on était aussi
dans le bâtiment. À une époque il y avait des syndicats puissants. Maintenant
ils sont corrompus. Ils font tout ce qu’ils peuvent pour démolir les syndicats.
Oh, mon Dieu, la guerre, pour moi, c’est vraiment une petite tranche de vie qui
a effacé notre culture et qui a fait de nous des Américains. Ça n’a rien de drôle.

Win Stracke
    Win Stracke est chanteur et il a fondé la Old Town School
of Folk Music de Chicago.
    Je faisais partie du 62 e d’artillerie d’appui. Je
me suis un peu lassé d’être avec l’état-major. Quand nous étions dans les
montagnes d’Algérie, j’ai demandé à être transféré sur un des canons. Nous
avions des Bofors de 40, et il y avait quinze hommes par canon.
    Ça faisait quinze gars qui, pour la première fois de leur
vie, ne vivaient pas dans un esprit de compétition. Nous n’avions aucun espoir
de devenir officiers. J’appréciais énormément cette sensation. Il y avait un
boulot à faire et on s’y mettait tous, certains plus que d’autres. Pour la
première fois de leur vie ils pouvaient s’entraider sans craindre de perdre un
quelconque avantage. Inutile de se faire des crasses ou d’essayer de casser du
sucre sur le dos des autres auprès du patron.
    Mon expérience dans l’armée a été totalement différente de
toutes celles que j’ai connues dans la vie civile où il y a une concurrence
pour l’emploi. Rien de tout cela ici. C’était ce que j’aimais. Ça aduré tout le temps de la guerre. J’y suis resté trois ans
et quatre mois, de juin 42 à septembre 45.
    C’était il y a quarante ans, mais nous nous en souvenons
tous. Les anciens de notre batterie se réunissent encore régulièrement même si
petit à petit les réunions s’effilochent. Pour eux comme pour moi, ç’a été
notre plus importante expérience. Je crois que ça a dû transformer leur
caractère et leurs relations avec leur entourage. Je suis peut-être un peu trop
romantique. Je ne sais pas.
    Je ne pense pas que beaucoup avaient des motivations
idéologiques. Certains étaient même incapables de faire la

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